Féminité éternelle
« Maternité éternelle » est le premier long métrage vraiment personnel de Kinuyo Tanaka. Et pour cause, c’est le premier projet de film à venir d’elle, les deux précédents lui ayant été proposés par...
le 24 avr. 2022
14 j'aime
6
Troisième film de Kinuyo Tanaka où elle embrasse complètement et sans ambages un portrait féminin féministe pour la première fois.
Vous allez me dire (pour celles et ceux qui ont vu les œuvres précédentes de la réalisatrice !) qu'il y avait de cela dans Lettre d'amour (pour rappel, son baptême du feu derrière la caméra !). Ce n'est pas faux. Mais, déjà, dans Lettre d'amour, l'intrigue se concentrait nettement plus sur le point de vue d'un homme. Ensuite, le personnage principal du "sexe faible" y était désolé. Ce qui n'est pas le cas ici.
Dans 乳房よ永遠なれ (ou si on prend le titre en anglais, voulant dire la même chose, The Eternal Breasts ; j'évite de faire des commentaires sur celui débile et macho en français, à côté de la plaque, car résumant juste la protagoniste à sa fonction de mère de famille !), la poétesse dont on suit la courte existence (inspirée de celle de Fumiko Nakajō !) n'est pas désolée.
Après avoir fait ce que la société attendait d'elle, c'est-à-dire se marier (à un blaireau infidèle ayant au moins le mérite d'être conscient d'en être un et d'être en couple avec une femme trop bien pour lui !), avoir des enfants, vivre en être soi-disant inférieur soumis, s'être mise en mode réprouvée après avoir divorcé, notre héroïne n'est pas désolée de comprendre qu'elle se doit de devenir ce qu'elle est ; qui est aussi ce qu'elle veut être.
La seule chose dont elle soit désolée, c'est qu'un fichu cancer lui laisse peu de temps pour accomplir tout cela. Dans le même temps, cette date butoir menaçante l'encourage à vivre avec intensité, avec passion, à faire ce qu'elle souhaite quand elle le souhaite, y compris assouvir le véritable désir physique. Quitte à vivre peu, autant vivre beaucoup.
À la suite de deux opus réussis, mais plutôt sages, Kinuyo Tanaka sort d'un coup l'artillerie lourde et flanque une volée émancipatrice en plein dans la gueule. C'est d'une franchise et d'une modernité absolument étourdissantes. Elle s'assume totalement, comme si cette œuvre était celle qu'elle avait voulue réaliser depuis toujours (peut-être parce que cette fois-ci l'idée vient d'elle et non pas d'un Ozu ou d'un Kinoshita !).
L'air de rien, sans sortir les violons mélodramatiques, la cinéaste trousse, au cours de la première moitié, en enfilant les personnages secondaires et les petites scènes de la vie quotidienne, l'esquisse de quelqu'un dont on comprend qu'il couve, sous des apparences extérieures a priori conventionnelles, une personnalité forte en mettant cette dernière face à des circonstances dramatiques ou tragiques.
Cette retenue rend la suite plus puissante. Cet aspect annonciateur insuffle à cette même suite une belle vérité psychologique. Le contraste entre les deux parties, se complétant admirablement pour les raisons susmentionnées, achève de parvenir à donner un tout plus percutant.
Une leçon de cinéma ? Ouais ! Une leçon de vie ? Oh oui…
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films japonais et Les meilleurs films de Kinuyo Tanaka (réalisatrice)
Créée
le 26 avr. 2022
Critique lue 267 fois
26 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Maternité éternelle
« Maternité éternelle » est le premier long métrage vraiment personnel de Kinuyo Tanaka. Et pour cause, c’est le premier projet de film à venir d’elle, les deux précédents lui ayant été proposés par...
le 24 avr. 2022
14 j'aime
6
Magnifique ! C'est un mélodrame bouleversant d'autant plus fort qu'il est tiré d'une histoire vrai et que Tanaka ne verse à aucun moment dans le pathos et la facilité. C'est au contraire juste du...
Par
le 24 févr. 2017
7 j'aime
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce titre, Maternité éternelle. Même pas du tout, c'est un contresens total. L'héroïne, Fumiko Shimojo, ne se réduit pas à son personnage de mère. Le propos du...
le 17 mars 2022
6 j'aime
4
Du même critique
L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...
Par
le 18 janv. 2023
309 j'aime
22
Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...
Par
le 20 juil. 2023
217 j'aime
29
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...
Par
le 1 juil. 2024
196 j'aime
42