Il y a des aveux qui sont plus difficiles à faire que d’autres, ceux qui donnent cet arrière-goût de cendre en les proférant, comme un blasphémateur qui inaugurerait sa profession, comme un paria qui découvrirait sa caste sur le tard… Mais inutile de se voiler la face plus longtemps, envoyez les tomates blettes et les tartes à la crème, je crois que je n’aime pas Roald Dahl…
Je dis « je crois » parce que j’ai très peu lu Roald Dahl et jamais pendant l’enfance, c’est dire si j’interviens trop tard… En outre, je n’ai pas encore essayé ses nouvelles plus adultes et je me dis au fond qu’un admirateur forcené de Saki ne peut être complètement mauvais…
Le problème c’est que je vois bien la cruauté du maître chez l’élève, mais je ne la trouve pas rattrapée par le génie comique du modèle…
Je crois que je n’aime pas Roald Dahl parce qu’entre ce que j’ai tout de même lu de lui et les multiples adaptations cinématographiques de ses œuvres les plus emblématiques il y a quelque chose de son œuvre qui se dégage malgré tout assez nettement et qui n’est pas des plus réjouissantes au regard d’un vieux bougon pourtant féru de lectures enfantines en général et britanniques en particulier.
Il y a un moment où la persistance du même schéma dans toutes ses histoires en vient à donner la nausée, je veux bien que le pauvre petit soit traumatisé dans ses chairs par une enfance malheureuse mais il a le droit de changer de disque de temps à autre et il y a un moment où les vertus cathartiques de l’écriture frisent l’indécence…
Je crois que ce qui me gêne le plus chez Roald Dahl, et ce qui explique le plus facilement son succès auprès des nouvelles générations à l’instar de la série des Potter qui comporte une bonne partie des défauts en question, c’est cette complaisance à se rabaisser au niveau de l’enfant le plus vulgaire, à jouer avec ses tares pour mieux l’en glorifier et à utiliser pour cela une connivence assez impardonnable et des ficelles honteuses comme ici le super pouvoir, aussi grotesque que dans un comix pour amateur d’hommes en collants afin d’atteindre sans péril la victoire salvatrice et jubilatoire.
Oui, bien entendu, parce que la victoire sur ces monstrueux adultes ne peut se faire sans la jubilation émerveillée de nos chères petites blondes et tant pis si pour se faire les effets sont aussi grossiers que les gamins eux-mêmes, tant pis si le mélange de cruauté et de niaiserie est indigeste à vomir, tant pis si la facilité de l’ensemble laisse pantois, le petit merdouilleux jubile de cette revanche par procuration et c’est la seule chose qui compte…
Alors du coup, je peux difficilement reprocher à Danny DeVito d’utiliser un peu lourdement le grand angle tant ça correspond bien à la caricature forcée de l’auteur mais c’est quand même un peu pénible, en fait, toute cette histoire de méchante directrice et de gentille institutrice est assez laborieuse, les touches de conte de fée ne prennent pas et il n’y a finalement à sauver que cette histoire de gamine lectrice rejetée par sa famille dégénérée, heureusement, que c’est la plus grosse partie du film…
Et là, forcément, Danny DeVito laisse parler son humour caustique en s’offrant d’emblée le meilleur mauvais rôle, cela permet quelques scènes délicieuses qui nous rappellent qu’il y a toujours un petit fond sympathique chez Roald Dahl et qui rendent hommage à sa singularité mieux qu’il ne le fait lui-même…
Cela permet à un spectateur dominical rendu particulièrement amorphe par les excès de la veille et de bonne composition par les vertus du bon bouillon et de la pizza maison qu’il ingurgite devant le spectacle de ne pas trop s’ennuyer ni même de s’assoupir, de pardonner aux effets les plus gratuits et à cette façon honteuse de caresser le marmot dans le sens de ses vices avec une putasserie un peu répugnante et de comprendre un peu pourquoi ce film peut plaire à des gosses…
Il n’empêche, c’est triste à dire vu que je ne le connais qu'à moitié, mais je crois que je n’aime pas Roald Dahl…