Le cinéma de Hong Sang-soo a cette chose particulière qui fait que tout ce qui le compose a de quoi y rendre le public hermétique, ses choix de mise en scène, d'écriture et personnages cumulant à peu près tous les éléments rendant impossible la moindre projection du spectateur, à moins qu'il soit particulièrement passionné par le cinéma Coréen, et idéalement, proche du milieu.
On pensait que Sang-soo avait atteint son apogée avec Hahaha, mais vint ensuite le catastrophiquement sublime Oki's Movie, et enfin ce The Day He Arrives, qui sans trop s'enthousiasmer, est probablement sa meilleure pellicule introspective en matière de démystification du personnage de cinéaste.
Son protagoniste, Sungjoon (Jun-Sang Yu), est un cinéaste usé professionnellement et sentimentalement, sa personnalité est aussi complexe que celle des autres personnages, mais comme toujours Sang-soo réussit un parcours sans faute, tournant sa pellicule en six jours, armé d'une poignée de notes, et réécrivant ses textes en cours de route, afin de les adapter aux acteurs, et non exiger d'eux qu'ils s'adaptent à ceux-ci. Comme toujours il est totalement fou, mais abandonne néanmoins les délires universitaires à la Oki's Movie, et se concentre sur une perfection de mise en scène et une trame tournant en boucle, les scènes et plans identiques se succédant, repas et beuveries, tout en semant de façon avare de nouvelles pièces du puzzle servant à façonner son personnage. Le procédé pourrait paraître répétitif, car il l'est, mais chacune des discussions prend une tournure différente, Sungjoon s'enfonce, révèle un visage qui de sympathique lors des premiers instants, devient très vite égoïste et pleutre, en plus d'être perdu, et d'une venue à Séoul pour changer d'air et tenter de se retrouver il se fait davantage hanter par des fantômes, fantômes du passé, fantômes de lui-même, faisant de ce qui était un pèlerinage un calvaire.
Dans une continuité artistique qui lui est propre, Sang-Soo improvise au dernier moment, et plutôt que subir la neige comme ce fut le cas avec Oki's Movie, a à l'inverse décidé de l'attendre pour tourner une de ses scènes les plus importantes. On ajoutera à cela un choix artistique particulier, encore à la dernière minute, préférant finalement, après essai, user du noir et blanc; force est de constater que l'effet est probant, ce contraste appuyant le côté maussade de l'oeuvre, que ce soit dans ses phases dramatiques ou aigrement comiques, donnant à cette période de fêtes de fin d'année un aspect qui l'est tout autant.
Sang-Soo n'hésite d'ailleurs pas à donner les indices qui servent à son introspection, il aime le hasard et l'impulsivité qui mut sa direction, chose dont son protagoniste parlera de façon dérivée, exposant la succession d'événements qui nous amène à faire telle ou telle chose.
Point qui une nouvelle fois ne déroge pas aux habitudes du cinéaste, c'est cette façon de filmer qui immerge totalement le spectateur. Caméra à hauteur des visages, scènes en plans uniques, immobiles en intérieur, une façon de filmer (soutenue par un casting terriblement juste) qui happe totalement le public, bien supérieure à n'importe quel film en 3D, qui se retrouve transporté et se surprend même à arborer un sourire durant les moments festifs, et à l'inverse froncer les sourcils lors des moments les plus graves.
Sang-Soo atteint ici son apogée et nous sert sa meilleure bobine, même si celle-ci se montre assez courte (78 minutes). Ceci était cependant à prévoir, le réalisateur ayant supprimé tous repères temporels pour donner l'impression que ces quelques jours n'en forment qu'un seul, donc une fois supprimés couchers, levers, douches, et petits-déjeuners, la plupart des métrages se retrouvent amputés de nombreuses minutes.
L'auteur disait dans Oki's Movie que le cinéma en tant qu'art était mort, c'est faut. En tout cas tant qu'il continuera à faire des films.