Variations en Hong mineur
Cela fait maintenant des années que Hong Sangsoo n'a plus grand chose à dire, et avec The Day He Arrives, le réalisateur ne s'en cache même plus : toujours un cinéaste perdu dans les méandres de son esprit et de la vie comme personnage principal, toujours ses amis travaillant également dans le milieu, toujours une situation amoureuse légère, et encore et toujours ses scènes de cafés et de restaurants. Que dire, alors, sur un film qui n'a rien à dire de plus que ses prédécesseurs, qui en devient presque une caricature ? Une confirmation, peut-être, bien que pas nécessaire, des obsessions de Hong Sangsoo ; un travail sur le caractère humain, tournant à l'entomologie absurde – ses films sont émaillés de saynètes et dialogues à la drôlerie affirmée, les rapprochant du Woody Allen angoissé des années 70 –, où les caractères seraient « à la fois pareils et différents », credo qui parcourt explicitement son dernier film jusqu'à l'indigestion : construit tout autour de la quasi-répétition ad nauseam d'une journée dans la vie d'un réalisateur n'ayant plus réalisé de films depuis des années, le film se déploie dans d'infimes variations, des microfictions contaminant la fiction, usant d'effets grotesques dans un maelström nietzschéen (l'on se souviendra de ces terribles zooms appuyés dès qu'un personnage prend le dessus) ; et tout cela, pour ne pas dire grand-chose, donc.
Une curiosité, également, au niveau de sa photographie, dans un noir et blanc au départ intriguant, assez juste dans ses tons sans se démarquer profondément des tentatives modernes de faire du noir et blanc en haute définition (exercice périlleux car ne supportant pas l'approximation), puis rapidement gonflant, car au-delà de la performance le noir et blanc n'apporte pas grand-chose au film d'autre qu'un plaisir visuel limité, aucun des plans ne justifiant un tel travail. Le film aurait gagné, probablement, à être en couleurs, à user de son cadre limité (des rues, des cafés, un restaurant, pas beaucoup plus) pour effectuer un profond travail sur la colorimétrie, jouer de ses variations plus vaillamment que dans sa version monographique, où le manque d'ambition général est palpable de façon véhémente ; mais là encore, l'essoufflement certain du réalisateur n'est pas forcément signe de faiblesse.
En étant un concentré du cinéma de Hong Sangsoo, The Day He Arrives parvient à être son meilleur film, synthèse sans surprise mais plaisante des quelques qualités parsemant les précédents films du cinéaste : une légèreté de ton rare dans un cinéma coréen pompier et grave, des dialogues peu subtils dans la passation des idées mais d'un humour certain, des plans souvent beaux sans tomber dans l'esthétique arty pure. Il serait cependant temps que Hong Sangsoo se prenne en main, et change de registre : sa carrière, comme les journées du protagoniste de The Day He Arrives, n'est faite que d'infimes variations monocentriques, comme si la seule chose qui l'intéressait vraiment n'était que lui-même. Le nombril comme origine, signe d'un milieu mou qu'il va falloir radicaliser dans un sens ou dans un autre. A voir le déroulement de son dernier film, la cause semble perdue d'avance.