A sa sortie, Matrix brandissait la promesse du grand retour glorieux de la SF, tout en conjuguant l’action nouvelle apportée par les films asiatiques, et la finesse d’effets spéciaux que peuvent promettre les blockbusters. Matrix disposait ainsi de toutes les cartes nécessaires pour s’ériger en tant que monument cinématographique, statut qui ne lui a jamais été refusé (et à juste titre). Qu’en est-il 18 ans après ?
Le point le plus évident semble la pertinence de son scénario, qui se remarque par l’impact qu’il possède encore aujourd’hui. Matrix est à la fois le film incontournable que l’on regarde et qu’on classe dans sa cinémathèque-référence, mais aussi le film subversif que l’on peut brandir comme étendard à la défense des libertés individuelles. Le parti-pris clairement assumé par les sœurs Wachowski trouve un écho actuel. La réactualisation politique fait que l’œuvre ne perd jamais en modernité, et conserve toute son identité fondée sur la contre-culture. On la remarque dans la dichotomie des environnements dans lesquels évoluent les libérés et les prisonniers. Les marginalisés se rejoignent au sein des clubs, les milieux souterrains ou encore clos, à l’image d’une réunion, dans lesquels les codes sont renversés. La société du dehors, du visible, est factice. Cet aspect contre-culture peut aussi se refléter à travers le choix des musiques, allant de The Prodigy pour la culture rave à Rage Against The Machine pour l’aspect altermondialiste. On retrouve ainsi l’idée de « l’élu » : finalement une poignée de personnes éclairées, qui se dressent contre un monde les rejetant et qu’ils rejettent de leur côté. Néo n’est ainsi pas seul dans sa mission. Il est un avatar représentant quiconque souhaite déchirer le voile et voir ce qu’il n’a jamais voulu voir auparavant.
En ce sens, la direction artistique du film ne souffre pas véritablement de vieillissements dérangeants, au point qu’on y perçoive un décalage (excepté peut-être les tenues de cuir et de latex, mais ça reste cool). Si nous sommes abreuvés d’effets spéciaux toujours plus sophistiqués, ceux de Matrix restent cependant efficaces et n’entachent pas à la crédibilité de l’action. Il en va de même pour l’alternance des tons dans l’œuvre, passant du discours philosophique et réflexif à l’action explosive, permettant ainsi de garder un rythme équilibré.