Les Matrix, c’est des films d’action intelligents. Du moins c’est ce qu’on dit non ?


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Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

L’approche de Turing reste aujourd'hui la meilleure : l’intelligence artificielle c’est ce qui parait intelligent.


Tout ce qui donne l’illusion de l’intelligence humaine peut être nommé intelligence.

Ainsi une machine peut être dite intelligente.


Dans cette image on voit un ingénieur de Boston Dynamics donner un chassé à un robot en galère sur du verglas.

Qu’inspire cette image au premier abord ?

  • De la pitié pour le robot
  • De la colère pour cet humain

Bref un sentiment d’injustice.

Mais quelle est la réalité ?


En réalité cet ingénieur ne prend pas du plaisir à profiter de la vulnérabilité de l’autre, il est en train de travailler : Il teste SA machine (dont la fonction est de garder l’équilibre en milieu instable)


Pourquoi ne ressent-il pas ce que nous ressentons au premier abord ? Pourquoi ne retient-il pas son coup ?

Parce qu’il connaît sa machine.


La plus complexe des macro Excel que vous produirez ne vous semblera jamais intelligente alors que parfois une formule simple mais astucieuse de votre collègue pourra vous donner un sentiment d’intelligence.


Nous paraît intelligent ce que nous ne comprenons pas.

Vous avez déjà entendu un vrai développeur dire que son programme est intelligent ?

Matrix y a un peu de ça non ?


Ça semble intelligent, ça parle, ça agite les critique et ça permet de sortir des livres d‘exégèse… Mais en vrai de vrai, quand on travaille le matériau même de l’objet, le film ne dit pas ce qu’on lui fait dire, voire parfois il montre strictement l’inverse.


C’est ce que développerai plus bas : Matrix Reloaded, tout comme ses personnages, est pétri d’injonctions contradictoires

La cuillère n’existe pas. FAKE

Matrix Reloaded est peuplé, de ces discours creux, galvanisants (Les discours de Morpheus en particulier s’avère être un charabia newage) qui ne fournissent pas de sens, mais l'illusion de la profondeur : on a l'impression que ces gars-là disent des choses profondes.


Mais ces lignes de dialogues pissées avec élégance ont tout de même une fonction : nous séduire.


Les idées c’est sexy.


Et ça permet aux geekos de se transformer en sexyboys : les fanboys d'analysent la philosophie de "Matrix Reloaded" dans d'innombrables publications sur le Web. Une partie du plaisir est de devenir un expert dans le sens profond d'une mythologie pop superficielle ; il y a quelque chose de rafraîchissant et d'ironique à devenir une autorité sur les manifestations éphémères de la culture de masse, et Morpheus rejoint maintenant Obi-Wan Kenobi en tant que Platon de notre époque.


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<BODY>

Matrix Reloaded fait une promesse : Réinvestir le réel.


Ce deuxième film introduit la ville de Zion, qui était mentionnée précédemment.


On découvre ainsi la société souterraine qui s'est formée malgré la domination des machines et la désolation à la surface. "Matrix Reloaded" se concentre davantage sur la réalité et la menace imminente qui pèse sur l'humanité. La ville de Zion est sur le point d'être attaquée par les machines, et les personnages alternent entre la Matrice et la réalité pour comprendre l'origine du problème et tenter de contrer cette nouvelle attaque.


Le latex synthétique y est remplacé par des tissus en lin.

Dans la séquence du discours de Morpheus, la terre et la pierre remplacent l’asphalte et les tours de verre de la matrice


Et puis y a du cul.


Ca danse à poil dans une version XXL d’une pub Tahiti douche, on évoque une fellation avec rouge à lèvre et ça baise dans les alcôves.


Matrix Reloaded réinvestit la dimension organique de l’existence.


Ce geste trouve un certain accomplissement :

Dans l’immiscion de l’agent Smith dans le monde Réel (il investit littéralement un corps humain, ce qui signifie qu’à un moment de son existence, l’agent smith a dû aller faire caca).

Dans cet acte de foi est d’amour quand Néo pénètre Trinity pour réactiver son coeur directement avec sa main.

C’est intéressant cet axe des Wachowski pour travailler l’hybridation.

Mais ça ne fonctionne pas toujours.


Parce qu’il y a aussi le mouvement inverse : une digitalisation mal maîtrisée des corps, par exemple dans la séquence de baston dans le square.


Le problème de cette séquence n’est pas la chorégraphie ou sa longueur, le problème c’est que on voit le moment où les corps sont ceux des acteurs et quand on passe à un modèle full numérique.


FAKE

Donc si sortir les personnages de la Matrice et investir Zion fonctionne d’un point de vue formel (ce qui y est raconté je l’ai déjà dis c’est pas ouf), l’inverse est foireux et la surenchère d’effets numériques sur les corps dans la Matrice ne m’ont pas convaincus.

Les effets spéciaux sont malheureusement encore trop dégueux pour donner un vrai corps aux belles idées des réalisatrices.


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<OBJECT>

Le gros enjeux formulé comme tel de Matrix Reloaded, c’est pénétrer la source de laMatrice, pour y rencontrer le grand architecte.


(et, on espère, lui péter bien comme il faut sa gueule)


Jusque là on a un apriori sur le personnage “Dieu de la Matrice” proche de la mystique gnostique : Le gnosticisme est un mouvement chrétien qui considère que le monde matériel a été créé par un demi-dieu inférieur (le Démiurge) pour emprisonner les âmes humaines dans l'ignorance. Pour se libérer, l'individu doit retrouver sa nature divine et accéder à la connaissance.


Une fois dans la séquence, L'Architecte est présenté comme le créateur de la Matrice et explique à Néo comment sa création "parfaite" a été altérée par l'imperfection humaine.

Injonction contradictoire : cette imperfection est nécessaire pour que la Matrice reste peuplée mais elle doit être contenu pour qu’elle continue de tourner.


Alors concrètement ça se passe comme ça :

L’architecte a monté une première version de la Matrice mais dont la mathématique stérile ne parvenait pas à donner suffisamment de pulsion de vie aux corps humains pour qu’ils se maintiennent en vie dans leurs cocons.

Alors un programme qui a la forme d’une hispano du ghetto (l’Oracle) a foutu un peu de bordel et d’incertitude pour ramener de la vie dans tout ça

Et on s’arrange pour que la vitalité soit contenu dans des rêves de révolutions qui ne restent que des rêves.

L’illusion de la révolte c’est le rêve dans le rêve dans le rêve.


La meilleure façon d'empêcher une vraie Révolution, c’est de faire croire aux plus volontaires (au sens nietzschéen du terme) qu’une révolution est possible.


Et ça c’est costaud de la part des sœurs Wachowski. Elles assument fort la dimension illusoire des toutes les couches de leur œuvre.


FAKE

Parce que dans cette séquence, même la gnose elle peut commencer à aller se faire foutre.

C’est à ce moment là que ce qui était un peu flou sur le paradoxe des dichotomies Libre Arbitre / Déterminisme ; Choix / Devoir ; Révolutionnaire / Esclave, Réel / Simulation etc… prend un peu de sens :


Le film marque pour de bon l’importance de dépasser le choix binaire : Neo en décidant de sauver Trinity permettra de vraiment sauver l’humanité.


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<TBODY>

Ce qui nous amène a reparler d’intelligence.


On a vu qu’il n’y a pas de différence entre l’intelligence et l’apparence de l’intelligence.

Mais si AlphaGo nous semble supérieurement intelligent à une table de jeu de Go, que penserait-on de lui une fois installé dans une voiture autonome ?


De la merde. Les IA ont des intelligences qu’on pourrait appeler spécialistes.


La fin de l’intelligence

Dans Matrix Reloaded on voit le lore se peupler parce que par nature il faut plusieurs programmes différents et parfois concurrents pour faire tourner des fonctions complexes. Ainsi on a les programmes autour du Mérovingien, les programmes qui font tourner les pigeons, l’Oracle, etc…


Mais passons dans le monde réel : le cerveau humain fonctionne de la même manière. L’homme est multitâche mais chaque acte intelligent qu’il manifeste est le produit de chemins et de zones de compétence différentes.


C'est le concept même d’intelligence qui est ici mis à mal.


Il n’y a peut être donc pas une intelligence mais des intelligences.


Dans l’absolu, pas que chez les machines.

Non binaire quoi.


Voire même, peut être que l’intelligence n’existe pas.


FAKE

Il est probable que dans les années qui viennent arrive au concept d’intelligence ce qui est arrivé au concept de poids à l’époque de Newton. Le terme ne disparaitra peut être pas mais il ne recouvrira plus le même flou et sera décomposé : avant Le poids était un concept unique; après le concept à été décomposé.


Poids = Masse X Gravité

Et il y a là quelque chose de certainement inconscient (voire de complètement construit dans ma tête) qui émerge dans le cinéma des soeurs Wachowski : La remise en cause de la binarité.

Le monde n’est pas discret (une série de 1 et de 0 ; corpusculaire) mais continu (analogique, ondulatoire). La réduction du monde et de ses concept à la binarité c’est ça le FAKE

L’intérêt de voire le monde avec une approche continue, c’est qu’il y est justement beaucoup plus compliqué d’imposer des injonctions. S’il n’y a pas que du noir et du blanc, du coup c’est plus difficile d’imposer une seul nuance de gris.


Là on tient leur goût politique de l’hybridation des genres, des styles, des idées, des techniques et des corps.


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Conclusion

Des thèmes sympathiques sont servis comme autant de pilules qui sont devenues des bonbons baffrés sur le banc d’un square désert.


J’ai expliqué que le vernis philo avait les yeux plus gros que le ventre mais il faut reconnaitre à Matrix Reloaded l’intérêt de savoir ouvrir le récit en le peuplant de nouveaux personnages, factions et enjeux plutôt pas mal (j’ai détesté la scène des chiottes avec Bellucci, miskina j’avais honte pour elle, mais c’est pas grave).


On regrettera tout de même un déséquilibre dans l'assemblage des scènes et la construction du film, qui donne l'impression d'un jeu vidéo avec des moments de discours trop longs et des scènes d'action tonitruantes qui vieillissent un peu.


Matrix est un film chelou, qui d’un côté essaie de montrer de la chair, de la matérialité dans les corps et les sentiments (des nichons et des baisers quoi). Mais en même temps joue ses bastons avec des persos full CGI (en 2003 c’était encore un peu tôt).


Néo et Smith y semblent perdre leur consistance et leur poids. Ces caractéristiques emportant avec elles le sérieux des enjeux.


Dlra_Haou
7
Écrit par

Créée

le 7 juin 2023

Critique lue 30 fois

Martin ROMERIO

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