A l'instar des habitants de Zion vis-à-vis de Neo, je voue un culte à la trilogie des Wachoswski que je situe au firmament des films de science-fiction. Aussi, lorsque qu'un quatrième opus a été annoncé, un étrange mélange d'excitation et de crainte s'est fait jour en moi. En effet, Neo, par son sacrifice christique, augurait une ère de paix entre l'humanité survivante et les machines. La boucle, parfaitement équilibrée, avait ouvert la voie vers un futur inédit où Zion ne serait pas une fois encore reformatée. Neo, contrairement à ses avatars passés, avait rencontré l'amour. Et cela changeait tout. Fin de l'histoire. C'est ainsi que l'entendait également Lilly W. Pas sa sœur, Lana W., qui s'est lancée seule dans l'aventure.


Ce numéro d'équilibriste était extrêmement risqué car jouer avec la conclusion aboutie de l'histoire relevait de la gageure. Si c'est bien de Matrix dont il s'agit, nombre d'écueils n'ont pas été évités. Lana se livre là à une exégèse de sa propre œuvre, exercice vraiment troublant.
On n'échappe pas à de très nombreux retours en arrière : scène d'introduction quasiment "copier coller" de l'originale, extraits trop récurrents de morceaux de la trilogie que j'ai trouvé maladroits, revisite de l'œuvre initiale pour l'expliciter à celles et ceux qui ne l'auraient pas comprise, goodies innombrables sur des personnages ou moments emblématiques.
J'ai également ressenti un problème de rythme, le début s'avérant un peu poussif avant que l'action se densifie un peu pour revenir en terrain plus connu. La façon de filmer les scènes de combat a néanmoins perdu en lisibilité car ceux-ci sont filmés de plus près, ne laissant au spectateur le loisirs d'admirer les prouesses martiales de Keanu (comme dans le combat contre Séraphin). l'âge aurait-il eu raison de son habileté ?
Ce qui m'a également gêné étant le but de la narration : Neo avait-il besoin à nouveau de comprendre que la réalité se situait en dehors de la matrice ? La mise en abîme sur son jeu vidéo à succès et sa thérapie est finement amenée mais le sens de tout cela fleure la vacuité : oui, l'amour entre Neo et Trinity a tout changé dans le sempiternel cycle de l'anomalie. Fallait-il vraiment le décrypter pour les aveugles ?
Enfin, si Carrie Ann Moss assure plus que jamais aux côtés de Keanu Reeves, il n'en est pas de même avec d'autres interprètes : le nouveau Smith est en effet bien en deçà de son excellent prédécesseur, Hugo Weaving.


Ceci étant dit, si ce nouvel opus n'est pas un chef d'œuvre à la hauteur de ses glorieux aînés, il n'en reste pas moins un véritable épisode de Matrix, et pas Chatrix comme certains créatifs geek auraient pu vouloir le nommer.
C'est ainsi que la critique des suites consuméristes au cinéma, même si elle n'exonère pas totalement cette sortie qui peine à se sortir de cette ornière habituelle, se révèle un pied de nez amusant. Le personnage de Thomas Anderson, empêtré dans sa psychose, fébrile et maladroit, est intéressant à suivre dans son cheminement. La place puissante occupée par les figures féminines, en particulier par Trinity, figurerait-elle l'allégorie de la transition de Larry en Lana ? C'est d'ailleurs dans la prise de pouvoir de Trinity que se niche selon moi l'aspect le plus intéressant de ce nouvel opus : tandis que Neo ne sait plus déployer ses ailes, c'est son âme sœur qui prend les commandes et va rappeler au maître des arcanes numériques, taloches à l'appui, quelles seront les nouvelles règles du jeu. Ce personnage de psychiatre est d'ailleurs fascinant dans sa façon d'exercer le contrôle sur son patient, excellemment interprété par Neil Patrick Harris. Une mise à jour du contrôle en somme.


Alors oui, tout semble plus moderne dans ce monde où les portes ont remplacé les combinés de téléphone, où la culture des végétaux est un luxe que peuvent se permettre ceux qui ne passent plus leur temps à combattre les machines pour survivre, où la jeune capitaine intrépide est devenue une vieillarde prudente prête à emprisonner les rêves. Tous ces retours en arrières sont souvent plaisants (haaa, le Mérovingien déchu !), parfois bancals mais ils ne parviennent pas à dissimuler la question qui pèche par déficit de réponse : quel est le but de tout ceci ?
Je n'y ai trouvé nulle réponse, sinon qu'une pile alimentée par deux courants complémentaires est plus puissante que tout. C'est un peu juste pour la matrice et sa complexité de jadis.

Apostille
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le 24 déc. 2021

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