Puisqu'il semble impossible d'y couper faisons ça vite. Je ne suis pas un fan.
J'aime beaucoup la trilogie Matrix. J'ai vu ces films un grand nombre de fois, toujours avec plaisir. J'adore me replonger dans cet univers riche, ergoter des théories, affiner ma propre lecture, (re)découvrir des détails, me laisser bercer par ces dialogues ciselés ou emporter par quelques scènes d'actions dantesques qu'on ne verra plus au rythme d'une bande son mémorable signé Don Davis et Juno Reactor (Mona Lisa Overdrive <3). Et ce casting incroyable! Même la VF est soignée.
Comme je disais, je ne suis pas un fan. Je n'ai pas de figurines ou autre goodies empilées sur des étagères, je ne me déguise pas en néo à Halloween, je ne me pose pas en gardien du temple sur les réseaux. J'ai simplement beaucoup d'amour et de bienveillance pour cette trilogie initiale.
C'est dans cet esprit que je suis allé voir Matrix Resurrections, la tête vide de tout trailer, spoiler ou idées de ce que serait ou non ce quatrième volet.
Et là, si vous avez vu le film vous vous dites : "mais quel con!"
Ben ouais...
En dépit de ma relative candeur en poussant les portes du cinéma, j'étais quand même conscient qu'il ne fallait pas s'attendre à trop. La trilogie Matrix représente une somme de travail colossale et un entraînement non moins conséquent de son casting. Je me doutais bien qu'il n'était pas question de renouer avec ça dans cet opus. (Ouais, con mais lucide.)
Ici, Lana Wachowski sacrifie Matrix pour en faire une critique de l'industrie du divertissement et d'une partie de la société actuelle "trop polarisée" à grand renfort de discours méta.
Ainsi Matrix Resurrections est sans le moindre doute un pur produit de notre époque.
Que ce soit en terme de photographie (lisse), de bande son (oubliable), de décors (bien pauvres), de cascades (fouillis illisible), d'écriture et d'acting très typé série TV. En fait c'est simple on dirait du Netflix.
Ce 4ème volet renie jusqu'à la grammaire de ses prédécesseurs. La teinte poisseuse des segments qui se passe dans la matrice c'est fini, les règles de l'univers sont purgées parce que pourquoi pas.[¹]
Alors que les 3 premiers films avaient le bon goût de ne pas enfermer le spectateur dans des réponses, qu'il soit question du scénario ou de détails ici on explique tout au travers de dialogues lapidaires. En guise d'exemple la présentation de l'équipage (Salut, je m'appel Régis mais tu peut m'appeler Reg parce que tu vois mon grand père du côté de ma mère est né le 15 janvier! Et j'te présente Ted mais... etc.)
C'est tout le temps comme ça. Autant vous dire que le fameux "show don't tell" se fait la malle juste après le logo WB.
Enfin le film est sur-cutté à l'extrême, introduisant et supprimant des personnages avec la plus grande des frénésie.A contrario, prenez le pouls de la trilogie et vous remarquerez qu'elle à un métronome à la place du cœur. Tout est millimétré au cordeau, la gestuelle des acteurs, les dialogues qui se laissent écouter et les combats chorégraphiés, tout ça en harmonie.
Finalement que reste t'il de Matrix dans Matrix Resurrections ? Pas grand chose:
- Quelques gimmick et éléments de fan service balancés à la pelle (pilules, chat noir, bullet time, miroir, name dropping...).
- Lambert Wilson en mode tonton bourré / Crazy clochard.
Il y a aussi des trucs bien! Totalement inexploité et mal foutu, mais bien:
- Keanu Reeves qui ne sait trop quoi faire des machins qui pendent autour de lui (ses jambes et ses bras)
- Un bon quart d'heure de Carrie A. Moss
Et une idée pas mauvaise avec une certaine symbiose consentie entre homme et machine. La séquence nous donne à voir des robots choupinou/neutre très loin des machines cyberpunk glauques et flippantes de Matrix qui sont des exilés de la ville des machines (01) et venu se battre au côté des résistants humains dans le nouveau zion (Io), une ville sanctuaire apparemment totalement vide mais où il est possible de faire pousser des fraises...
Conclusion
J'ai un peu l'impression d'avoir été pris en otage dans un règlement de compte entre La réalisatrice et le reste du monde.
En voulant cracher à la gueule des grands vilains qui peuplent Hollywood et les grands vilains lambda trop binaire de notre société, le mollard éclabousse copieusement l'amateur de l'univers Matrix.
[¹]Exemple: Dans la trilogie, un homme au sein de la matrice communique avec l'opérateur du monde "réel" grâce à un téléphone portable (ou fixe) et ne peut réintégrer son enveloppe corporelle que par le biais d'un téléphone fixe ou d'une cabine qui est la même chose.
Notez que quand un rebelle regagne son corps après une excursion dans la matrice, il se passe le même processus que quand un esprit libéré par la pilule rouge est réveillé pour la première fois dans son cocon. C'est pour ça qu'on voit un téléphone fixe opéré mécaniquement lors de la scène du réveil de Néo dans Matrix 1.
C'est pas du décorum, ça à un sens.
Le téléphone déjà est un objet conçu pour communiquer, de plus le téléphone fixe est... fixe il permet ainsi de fournir sa position exacte au sein de la matrice (le numéro de tel à une équivalence physique direct: l'adresse) . Si on sait où on est dans le labyrinthe on sait en sortir!
Bon, ici on balance tout ça et on passe à travers des miroirs de salle de bain parce que.... parce que Matrix... heu... Pays des merveilles... miroirs... Logique implacable.