Oulà… Ahem… Comment dire… ça va être compliqué ici…
On aura donc un 5. Ma note «joker». La note que je mets quand que je suis emmerdé pour évaluer et que je sais pas quelle note mettre. La note «Meh.» dans toute sa splendeur. Parce que c’est vraiment ça mon sentiment ici: «Meh.»
En effet, c’est pas évident de faire une critique sur un film qui semble déjà être une critique de lui-même. Il y a toujours eu un petit côté Méta dans Matrix. Mais là, ce film tente un discours Méta sur le discours Méta. C’est la Métaception. Fallait oser.
Et très franchement, l’idée n’était pas pour me déplaire dans le principe. En effet, ce début de film, malgré un aspect très discursif parfois un brin trop appuyé, bin j’ai trouvé ça plutôt intéressant, rafraichissant et bienvenue. Et très honnêtement, au vue de comment s’était terminée la Saga originelle, cela me semblait être la seule et unique approche pertinente.
Même si c’est vrai qu’il y a dans tout cela un petit côté «je me la pète». Parce que même si c’est parfaitement vrai que tu as révolutionné le cinéma, le clamer toi-même en toute décontraction, bin ça sonne un peu prétentieux je trouve. C’est comme Cristiano Ronaldo; on le sait que ce type est un monstre et pourrait être considérer comme l’un des si ce n’est le (éventuellement) meilleur footballeur de l’Histoire… Mais quand c’est lui qui l’affirme avec un aplomb sans faille, bin ça le rend un peu pathétique… Mais ça, au fond, c’est un dégât collatéral sans grande importance. Tant pis, l’idée reste attrayante.
Pour tout dire, le fait même d’envisager de faire une suite à Matrix me paraissait de base une très mauvaise idée (c’est entre autres la raison qui a fait que j’ai mis autant de temps à regarder ce film d’ailleurs…). L’histoire était bouclée et remettre une pièce dans la machine ne contribuerait qu’à faire tourner une mécanique qui avait déjà pas mal tiré sur la corde. On ne pouvait donc que supposer un projet cynique (c’est foutrement dans l’air du temps), uniquement là pour presser le citron jusqu’à la moelle d’une licence Bankable.
Et c’est là que la 1ère partie du film est intéressante. Elle y va franco, in your face. Elle nous balance les bails frontalement, sans préliminaires : «Bon, il y a ces enfoirés de Warner qui veulent faire une suite… Ils vont la faire avec ou sans toi, tiens-le-toi pour dis Lana… euh pardon, je veux dire Néo… euh pardon, le lapsus m’habite ; je veux dire Monsieur Anderson. Du coup ton choix est simple : soit tu t’y colle et sur un malentendu, tu pourras p’être gardé un semblant de contrôle sur ta création artistique, soit tu veux garder ta dignité et les mains propres, mais dans ce cas là, attends toi à voir ton bébé se faire sauvagement violer dans une ruelle sombre sans même s’être fait offert un verre avant… et oui, monde de mayrde, à qui le dis tu…»
C’est quasiment mot pour mot ce qui est exprimé dans les 1ère minutes du film et ça quelque part, c’est fort! En un sens, le film ose dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas depuis des années.
Et il y a plein d’aspects intéressants. Le délire de l’équipe de prod’, qui singe le forum de fans et nous renvoie une image, à nous public, pas forcément flatteuse, mais relativement juste.
Mais rapidement, le film envoie plus ou moins valser cette approche, pour tomber dans quelque chose de bien plus classique et finalement convenu. Le scénar devient plus conventionnel. On est finalement dans une suite directe de la Saga (ce qui était loin d’être évident à la base), avec un retour à ce conflit un peu répétitif avec les machines. Certes, des choses ont changée : certaines machines sont devenues des amies trop kawaii. Certains ont pris un p’tit coup de vieux. La bouffe est plus riche en oligo-éléments qu’elle ne l’était auparavant. Et la déco du salon, de type Ikea a été troquée pour une approche plus Maison du monde…. Le changement c’est maintenant comme dirait l’autre. Mais bon, à part ça, on tombe dans tous les travers que le film dénonçait lui-même plutôt ; cynisme, nostalgie à outrance, bis repetita, boum-boum-pan-pan…
C’est pas mal confus. Dans les enjeux. Dans les péripéties. Dans les éléments perturbateurs.
Alors bon, tout n’est pas à jeter non plus. Il y a un ou deux trucs pas dégueux. Je pense par exemple à cette scène assez forte et impressionnante où les gens se suicident en se jetant par les fenêtres. Que ce soit visuellement ou thématiquement, ça dégage une certaine puissance, je l’admets.
Le fait que Trinity prenne le dessus sur Néo et le «grand-remplace», qui pourrait être vu de prime abords comme un énième message «woke» cosmétique, prend une dimension particulière quand on sait que d’une part l’autrice a mis d’elle dans Néo (c’est dit en toutes lettres dans le film) et que cette autrice a fait une transition de genre. Alors oui, ça reste «woke», mais du bon woke, puisque du woke incarné, du woke qui n’est pas juste là pour le cahier des charges, mais qui exprime une émotion et une réalité matérielle vécu in petto par l’autrice ; bref en un mot comme en 100 , du woke-artistique et non pas du woke-marketing (et toute la putaing de différence entre le «bon chasseur» et le «mauvais chasseur» est là, c’est pas plus compliqué que ça).
Il y a une certaine continuité dans les thèmes et les messages de l’œuvre… Donc oui, tout n’est pas à jeter.
Mais reste que j’ai du mal. J’ai du mal avec l’exécution. J’ai du mal avec ce tournant que prend le film et qui jure avec la promesse qu’il avait commencé à me faire en ouverture. En puis, bordel, j’ai du mal avec ce satané pouvoir de l’Amour.
Alors entendons-nous bien: en soit, pourquoi pas? Le pouvoir de l’Amour, ça reste raccords avec la philosophie Wachowski (particulièrement quand on a vu Sens-8). Et puis, j’ai beau être un connard aigris et misanthrope, il reste en moi un petit cœur qui bat et qui dit : «oui, c’est beau l’Amuuuuur!» Donc ok, ça peut paraitre nian-nian par certains côtés, mais fondamentalement, je ne suis pas opposé au principe. Je vous jure que je suis sincère là.
MAIS, il y a un gros problème dans ce délire. Une couille dans le potage. Un héritage qui fout tout en l’air… C’est qu’en ce qui me concerne, le couple Néo/Trinity, bin ça n’a jamais, Ô grand jamais, matché. Mais genre vraiment, jamais. J’ai toujours trouvé ce couple téléphoné et artificiel au possible. Une idylle totalement «fonction», sans aucun profondeur ni aucune crédibilité. Trinity ne tombe amoureuse de Néo que parce que l’Oracle lui a dit qu’elle aimerait l’Elu. Et Néo ne tombe amoureux de Trinity que parce qu’elle est là et disponible. Il n’y a aucune complicité, aucune alchimie, aucun vécu, aucun corps à leur relation. Rien que leur rencontre; en boite de nuit, Trinity lui sort ça : «S'il te plait, écoute-moi! Je sais pourquoi tu es ici. Je sais tout ce que tu as fait. Je sais pourquoi tu dors à peine, pourquoi tu vis seul et pourquoi nuit après nuit tu restes assis devant ton écran. Tu le cherches désespérément. Je le sais parce que moi aussi je l'ai longtemps cherché. Et quand il m'a trouvée, il m'a dit que ce n'était pas lui que je cherchais vraiment. En fait je cherchais une réponse.»
Franchement, vous croyez qu’une approche pareille ça peut aboutir sur une relation solide? Si quelqu’un vous aborde comme ça en boite, c’est pas genre un game-over direct?...
Nan, plus sérieusement, c’est pour moi un immense problème pour apprécier ce film. Comment puis-je le trouver crédible quand TOUT tourne autour de cette amourette, soit disante éternelle et pas artificielle, alors que perso je la trouve complètement random et osef/20…
Bref un film que je ne jugerai au final ni bon, ni mauvais, bien au contraire…