NOTE D'INTENTION : Ce texte relève plus d'un sentiment subjectif envers le film que d'une véritable critique objective


Je vis pour la première fois Mauvais Sang durant le mois de juillet 2018, dans la maison de campagne de mes grands-parents. Leurs siestes m’octroyaient le droit de voir un film seul tous les après-midis devant la spacieuse télévision du salon. J’ai pu ainsi voir durant cette période de nombreux longs métrages dans de bonnes conditions, étant de cette manière très isolé face aux films : 2046, La Porte du Paradis, Platoon… et Mauvais Sang. Et en prenant du recul sur cette semaine de pérégrination cinématographique, ce dernier m’apparaissait comme un très bon film, mais qui allait sûrement être éclipsé sur le long terme.


Le temps passait. Je continuais de voir des films. Je rentrais en classe préparatoire, et comme toute ma promotion, je parlais des films qui me passionnaient : « Dis-moi quels films tu aimes, je te dirai qui tu es ». Et insidieusement, Mauvais Sang revenait doucement à ma mémoire. En fait, de Mauvais Sang, je me souvenais de tout.


Ses couleurs qui me paraissaient pures, presque primitives : le bleu d’un peignoir, le rouge d’un lit, la blancheur d’un visage.


Sa bande originale éclectique, qui arrivait à exprimer les sentiments amoureux du personnage d’Alex avec le classique de la Simple Symphony de Britten et le rock de Modern Love de Bowie.


Ses décors irréels, semblant évoquer un cinéma d’antan perdu à tout jamais, une « enfance du cinéma » comme le dirait lui-même Léos Carax.


Sa réalisation qui donnait une nouvelle idée toujours plus poétique à chaque séquence, que cela soit par un simple travelling latéral ou une extrême bascule de points dans un dialogue.


Et, enfin ce qui m’avait paru le plus étrange, mais paradoxalement le plus beau : ses répliques, la musicalité des phrases. Le « Tu mets un disque ?... Vite, avant que la mélancolie ne s’empare de tout… » d’Anna ou le « Il faut remplir ses yeux pour rêver la nuit. » d’Alex, qui encore résonnent à mes oreilles.


Un assemblage d’éléments qui devenait durant son visionnage instantanément culte chez son spectateur. Le film m’apparaissait peu à peu comme un sommet de perfection, un idéal de cinéma : arriver à des choix de mises en scènes osés et radicaux sans quitter le sentier tracé par sa narration, arriver à être un film, un univers unique en son genre à l’aide de références venants de divers horizons.


Le second visionnage que je fis en octobre 2018 dans ma chambre d’étudiant avec un très bon projecteur et de futurs très bons amis fut alors pour moi une confirmation, tant je fus pris d’un vertige. Tous mes souvenirs me revenaient, et les répliques se jouaient dans ma tête malgré moi. C’était la première fois qu’un film devenait remarquable pour moi sur le long terme, comme retravaillé par ma mémoire et par le temps. Un film qui reviendrait ensuite dans beaucoup de discussions, comme un pilier de ma cinéphilie.


De dire « J’aime Mauvais Sang pour ce que le film arrive à convoquer chez le spectateur tout en réussissant à délivrer un discours sur l’amour et l’adolescence qui lui est propre.»


Mauvais Sang est pour moi le précurseur d’une cinéphilie auquel je n’avais pas encore totalement conscience : celui du souvenir persistant d’un film, d’un idéal de cinéma que je pouvais retrouver à loisir, niché dans ma mémoire.

Créée

le 9 févr. 2020

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