Semelles de vent.
Après les promesses vibrantes de Boy meets girl, Leos Carax se lance à bride abattue en terre de cinéma. Mauvais sang est son manifeste, la bulle qui crève les années 80, qui plus est françaises,...
le 22 nov. 2016
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Un ami m’a dit récemment :
‘’Leos Carax, ça fait partie de ces réalisateurs, tu sais pas s'il faut y aller. […] Faut prendre ça comme une expérience.’’
Prenant ces mots au sérieux, je me suis armé de courage pour me lancer dans ce ‘’Mauvais Sang’’, sans trop savoir ce qu’il m’attendait. Trompé par un synopsis qui évoque la présence d’une maladie. Le STBO, touchant les couples qui ne s’aiment pas, et il suffit que l’un mente à son partenaire pour que les deux attrapent le virus et meurent dans d’atroces souffrances.
Cependant, cette histoire de pandémie qui s’abat sur la capitale française, est des plus secondaire, voir tertiaire a l’intrigue. S’il est très clair qu’en 1986 le STBO est une référence implicite au SIDA, il ne sert que de prétexte pour faire planer sur le métrage une ambiance lourde et pesante, appuyée par une mise en scène à la limite de l’expressionnisme.
Pour être une expérience, ça oui, ‘’Mauvais Sang’’ à tout du trip cinématographique. Mis en boite par un cinéaste débutant, Leos Carax est alors âgé de 26 ans, empruntant autant à la Nouvelle Vague française qu’au un cinéma expérimental américain, comme les œuvres d’Andy Warhol notamment. Cependant, il n’oublie jamais de raconter son histoire. Même si la linéarité de l’ensemble est éclatée, par une accumulation de péripéties semblant déconnectées les unes des autres. Impression renforcée par un montage singulièrement découpé.
Formellement Carax se défait des conventions classiques du septième art, offrant des séquences visuellement magnifiques, et des cadrages semblables à des tableaux, où des décors de théâtre, exploités d’une manière telle qu’il véhicule une incompréhension visuelle toute poétique. Alors que le déroulé de l’intrigue se poursuit, entrecoupé de séquence plus proche du songe que de la mise en scène.
Le récit principal est ainsi des plus classique, sur le ton du polar, il suit deux malfrats endetté envers une vieille mafieuse, ‘’l’Américaine’’, et ne disposent que de quelques jours pour la rembourser. Sinon, elle les fait dégommer. Ils décident alors de monter un plan alambiqué qui consiste à s’emparer du vaccin contre le STBO, à même le laboratoire, et en tirer une rançon.
Il recrute pour ça Marc, le fils d’un de leur ancien complice, prestidigitateur à ses heures perdues, donc parfait pour le job. Ça c’est ce qu’il se passe. Puis tout l’arc narratif entourant le jeune homme, interprété par un Denis Lavant tout jeunot, qui met déjà à contribution son physique atypique, tourne autour de sa perdition dans cette vie, entre ses attentes, ses envies, et une triste réalité, brutale et peu alléchante.
Perdu dans le tourbillon de l’existence, Marc philosophe beaucoup, par un lien très étroit entre la diégèse de l’œuvre, et ce que Leos Carax lui insuffle. Influencé par Raimbaud, à qui il emprunte son titre, et par Céline, à qui il empreinte des citations, ‘’Mauvais Sang’’ est ainsi jonché de ‘’punchline’’, qui sortent un peu parfois de nulle part, avec un sens du phrasé riche, mais globalement complexe à comprendre.
Si la métaphore SIDA véhiculé par le STBO hante l’amour que développe Marc pour Anna, l’amante d’un des vieux gangsters, il ne peut rester que platonique, par manque de réciprocité. Le consommer, c’est se condamner. Un jeu de séduction se met en place entre les deux personnages, et va relativement loin, à mesure qu’une alchimie innocente se crée entre les deux êtres, bien que ça ne dépasse jamais la frontière du simple flirt. Marc le sait, Anna non, en ingénue elle prend l’amitié que lui témoigne Marc a la légère, car elle aime le vieil homme. Qui lui ne l’aime pas en retour. Là aussi un amour condamné à ne pouvoir être consommé.
Le métrage de Leos Carax est traversé de nombreuses symboliques, dont la plupart, je dois l’avouer, m’ont échappé, Ayant été assez peu réceptif au métrage, certainement par méconnaissance du cinéaste, cela m’a amené qui à la réflexion suivante : certains films ne sont pas faits pour se destiner à tout le monde. N’hésitant pas à mettre sur la touche une part de l’audience.
Sans parler d’élitisme, les métaphores employées, comme les multiples références à une certaine littérature et à la poésie française, constituent une partie importante de l’ADN du film. Mais si l’on est méconnaissant de cette culture, alors il est difficile de pouvoir s’impliquer dans l’aventure proposer, pour profiter de toutes ses subtilités.
‘’Mauvais Sang’’ peut alors se transformer en expérience froide et austère, avec une distance créée entre son propos et son spectateur. Ce fût mon ressentit, mais attention, Carax invite aussi une part du public, qui en toute connaissance trouvera de la chaleur, et un vrai travail d’auteur. C’est ainsi que l’on réalise qu’apprécier une œuvre ça ne dépend pas toujours des qualités intrinsèques de cette dernière.
Œuvre assez difficile d’accès pour le grand public, regarder ‘’Mauvais Sang’’ peut provoquer un sentiment d’exclusion, renforcé par ce sentiment qu’énormément de chose sont évoquées. Malheureusement il n’est pas toujours donné à tout le monde d’y être réceptif. Loin d’être un mauvais film, car il est d’une réussite visuelle indéniable, en ce qui me concerne il m’a un peu laissé de marbre. L’austérité que j’y ai ressenti m’a empêché de prendre totalement part à l’expérience proposé par Leos Carax.
Mais comme me l’a dit un ami récemment :
‘’Leos Carax, ça fait partie de ces réalisateurs, tu sais pas s'il faut y aller. […] Faut prendre ça comme une expérience.’’
Et il avait raison.
-Stork._
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le 26 mars 2020
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