Trois ans après "Nous trois ou rien" où il racontait l'arrivée de sa famille en France, Kheiron se concentre sur son expérience d'éducateur pour raconter "Mauvaises herbes". Avec son casting inter-générationnel, il réussit à nous faire rire à de nombreuses reprises tout en nous touchant là où ça sonne juste !
Waël, immigré orphelin, vit avec Monique, une retraitée avec qui il enchaine les coups fourrés pour survivre. Et ce, jusqu'au jour où ils croisent la route d'un ancien ami de cette dernière qui se trouve être à la recherche d'un éducateur pour s'occuper d'ados en décrochage scolaire. Ce qui devait être un simple remplacement d'une journée devient un job à temps plein où il saura tirer le meilleur de chacun des enfants...
Je n'ai pas vu le premier film de Kheiron et je dois avouer que je ne m'attendais pas du tout à un tel mélange d'émotions. Je me suis laissé surprendre par cette double-narration, entre la tragédie de son enfance au Liban et son présent d'éducateur, ainsi que par ce casting intergénérationnel qui se complète et se répond. D'entrée de jeu, Kheiron fait le choix d'introduire les souvenirs du passé avant de rentrer dans le vif du présent : les tons sont donnés, le drame va s'emmitoufler habilement avec la comédie avec une efficacité étonnante ! L'humour est jovial, pas vulgaire, parfois un peu moqueur mais jamais trop et tandis que les jeunes surprennent par leur naturel riche et leur maturité émotionnelle, les plus âgés contre-balance par leur savoir-faire aux contre-emplois, que ce soit dans la drague ou dans des gamineries de récréation. Au milieu, Kheiron orchestre l'ensemble avec ses atouts comiques et fait le lien entre ces deux générations où chacun défend une belle partition sur les thèmes de l'apprentissage, de la solidarité, de l'entraide et de l'acceptation de l'autre.
L'émotion est très bien dosée car apportée par petite couche via les flash-backs de son enfance mais elle se retrouve également dans l'histoire présente grâce à un montage subtil révélant un twist final touchant et fort. Toutes les bonnes ondes qui se dégagent du film nous vont droit au coeur et je ne pensais pas rire autant, notamment sur la première scène entre Catherine Deneuve et Kheiron ! Deneuve et Dussolier n'ont plus rien à prouver et ça se voit ! Leur lâcher prise dans certaines séquences sont des vrais cadeaux. Les gosses, quant à eux, tirent vraiment leur épingle du jeu et participent pleinement au divertissement global tout en nous cueillant quand on ne s'y attend pas. La complicité entre les acteurs est contagieuse, rendant ainsi son message de tolérance et d'ouverture d'esprit plus poignant. Le rythme est soutenu, sans temps mort, et le double niveau de lecture forme un ensemble cohérent, original et mémorable, plaçant ces "Mauvaises Herbes" dans les meilleurs films français de l'année. Certes, il y a des grosses lignes de narration qui frôlent l'impossible avec son côté manichéen et en cela, on a tendance à s'éloigner du ton social et réaliste que laisse entrevoir le film. Mais dans son processus de création, le jeune réalisateur parle de conte, de transmission des valeurs via une histoire. Même si "Mauvaises herbes" s'approche plus du conte de fée que du récit d'initiation, j'ai adhéré à cette mise en scène soignée et à ces acteurs justes et jovials. Et en ces temps étranges où tout semble incertain, ça ne fait pas de mal de se redonner du baume au coeur via une belle leçon de vie. Moi je dis oui !