Facette d'Henri Verneuil que je ne connaissais pas : la comédie dramatique très classique des années 50, assez éloignée de tous les registres impliquant Gabin, Belmondo, Fernandel et autres Dewaere. Charles Boyer a 20 ans de plus que chez Leo McCarey dans "Elle et lui" et ne jouit plus de cette aura de séducteur face à Michèle Morgan qui en a également 20 de plus que chez Carné ou Grémillon dans "Le Quai des brumes" ou "Remorques" — mais elle s'en sort un peu mieux, grâce à son personnage. En toile de fond, on remarque la présence appuyée d'Arletty en femme de général au bord de la caricature.
Le récit est très lourdement circonscrit au cadre des prémices de la Première Guerre mondiale et se terminera d'ailleurs sur un journal glissé sous une porte avec l’annonce de l’assassinat de l'archiduc d’Autriche à la fin juillet 1914 et sur la proclamation de Jules Guesde selon laquelle "Jamais, jamais, jamais » l’Allemagne ne déclarera la guerre à la France." Boyer est un quinquagénaire sans fortune mais qui a conservé une certaine élégance, le rôle-titre qui sert dans un premier temps d'entremetteur pour un ami afin de séduire la belle Jacqueline, mais patatras il tombe amoureux d'elle et réciproquement (car elle le croît fortuné) : disons que le potentiel de surprise s'est grandement atténué avec le temps. Son élève, trahi dans un premier temps et en pleine reconquête ensuite, n'est pas d'un charisme immanent.
C'est un film tout en dialogues ciselés, certes très élégants, mais qui manquent tout de même du soupçon de spontanéité pour rendre l'ensemble fluide et sans accroc. La description de Paris à la fin de la Belle Époque, dans cette fin du XIX pas encore tout à fait évanoui, est plus intéressante que le sujet romantico-dramatique.