Un bel hommage qui retranscrit bien l’ambiance, l’atmosphère et l’univers des 80s (et des films de cette époque) ! On prend son pied devant ce film-vidéostore bourré de clins d’œil et de références (entre beaucoup d'autres : name-dropping d’actrices du cinéma horrifique, Bates Motel… mais aussi événements historiques réels, notamment liés au Night Stalker et aux sectes américaines), qui dépeint l’âge d’or du cinéma de genre-divertissement ultrapopulaire, entre films d’horreur gores, action vénère et érotisme. Car « MaXXXine » nous plonge au cœur de l’ère des slashers regorgeant d’hémoglobine et de poitrines pulpeuses sur fond de hard rock... L’ère d’une génération jeune, rebelle, avide de sensations et de liberté face au joug pesant de la société conservatrice et puritaine des années Reagan.
Or dans le film, c’est justement la religion et les idéaux traditionnalistes qui vont finalement devenir la source du mal et de la dépravation qu’elles prétendent combattre, à travers la mise en scène d'une secte sombrant dans le fanatisme en voulant « exorciser les démons d’une jeunesse en perdition ». L’idée, à défaut d’être très originale, reste intéressante (on peut d'ailleurs la mettre en parallèle avec la résurgence d’un certain conservatisme depuis le début des années 2020, notamment dans la société américaine). Mais l’exécution nous laisse sur notre faim… Même si plusieurs éléments précédents développent cette idée (ex : les manifestations et slogans puritains dans un Hollywood effectivement bien peu « holy », les remarques graveleuses et critiques proférées à l’encontre de Maxine et de l’industrie du X en général par une société qui pourtant consomme goulument ces contenus - à l’image de l’homme mystérieux épiant les femmes au peep show...), la révélation finale de l'identité et des motivations du Night Stalker s’avère décevante et manque d'impact. Le rôle de la secte aurait pu être mis en avant plus tôt dans le film, de même que la figure du père de Maxine qui est totalement sous-développé.
Mais le film est aussi intéressant par sa représentation de l’émancipation féminine dans une société patriarcale. Interprétée par une Mia Goth toujours aussi convaincante (même si son rôle et son jeu dans « Pearl » restent plus mémorables, complexes et émouvants en comparaison), Maxine incarne une héroïne pleine d’ambition et déterminée à percer à Hollywood. Son parcours et son expérience entrent dès lors en résonance avec ceux de nombreux acteurs et actrices à travers les décennies. Souhaitant se détacher de son image d’actrice porno (bien souvent rabaissée, sous-estimée, voire carrément insultée ou mise en danger malgré sa renommée dans un milieu bien peu sécurisant… comme le montre la mort de ses amies) et tourner dans des « vrais films » pour une meilleure considération (ça reste un bien grand mot) dans le cinéma d’horreur, Maxine va devoir non seulement prouver sa valeur et la force de son ambition dans une industrie hollywoodienne tout aussi crade et sombre sous les paillettes (un milieu ultra-compétitif où l’exploitation règne, et qui peut lui aussi faire des victimes – ici en l’occurrence le personnage de Molly), mais aussi devenir une femme forte et assertive pour affronter un passé traumatisant et ses propres démons, et abattre tous les obstacles et ennemis qui se dressent sur son chemin – y compris son propre père, dont elle parvient à triompher au pied même des lettres du signe « Hollywood », symbole de sa victoire pour réaliser son rêve.
Pour ce faire, Maxine doit en effet affronter plusieurs figures masculines menaçantes représentatives de la domination patriarcale : d’abord le premier stalker (dont elle annihile la masculinité en le mettant à genoux et hors d’état de nuire…), puis le détective-stalker (qui finit littéralement écrasé), et enfin son père, le véritable Night Stalker. Elle reçoit pour cela l’aide et le soutien de 2 mentors protecteurs, en opposition aux personnages dominateurs et négatifs que sont le détective et son père. Il s’agit d'abord de son agent Teddy Knight, qui malgré son rôle d’« exploitant », fait preuve d’attention envers elle et est prêt à prendre les mesures nécessaires pour la protéger (comme faisant office de figure paternelle / chevalier servant). Sincère affection ou attitude motivée par l’appât du gain engrangé à travers l’exploitation du talent de Maxine ? Le doute subsiste… Il y a aussi le personnage d’Elizabeth Bender (incarné par la formidable Elizabeth Debicki), réalisatrice froide et autoritaire déterminée à garder un contrôle parfait sur son film pour atteindre la consécration. Poussant Maxine à donner le meilleur d'elle-même, lui prodiguant des conseils pour se faire une place dans l’industrie et dans le monde, faisant preuve d’une sincère attention et admiration pour elle et pour son talent, ce personnage fascinant agit comme un miroir face au père de Maxine (qui, très ironiquement, endosse lui aussi un rôle de réalisateur). Elizabeth devient une sorte de figure maternelle, mais aussi un modèle à suivre pour Maxine – préfigurant la femme puissante, exigeante et sans concession qu’elle pourrait devenir. Pour cela, Maxine doit se révéler à la fois en tant qu’actrice et en tant que femme indépendante, sûre d’elle et prête à tout, capable de faire ses propres choix et de prendre sa vie en main… ce qu’elle fait en interprétant le premier rôle à la fois dans le film de son père pour affronter son passé, et dans celui d’Elizabeth pour s’élancer vers son destin.