Au dos de l’horreur se dissimulent les codes d’une période désormais révolue. May The Devil Take You, est une récupération indonésienne des codes de la J-Horror, en prenant malheureusement le soin d’évacuer toute portée métafilmique. Dès les premières minutes, on est déjà lassé par une mise en scène impersonnelle du fantomatique disposant, ça et là, de simples rideaux diaphanes éclairés par une lumière blanche, ou encore la reprise quasiment à l’identique de la première séquence d’apparition du fantôme dans l’ascenseur (ainsi que le point de vue de la caméra de surveillance) du film d’Hideo Nakata, Dark Water. Les références nous sont imposées lourdement et vont se diffuser dans les entrailles de cet énième cursed movie. Tjahjanto se contente de dérouler une intrigue autour de jeunes personnages imbriqués dans une maison maudite perdue au milieu de la jungle indonésienne. L’esthétique, séduisante à de rares moments, repose essentiellement sur une maladroite juxtaposition d’événements ne permettant jamais une composition homogène et harmonieuse d’images horrifiques. Ce problème de collage des scènes fragmente l’intensité du mouvement de l’angoisse dont l’effet de surface parvient à créer quelques frissons mais n’aboutit que très rarement sur de véritables propositions esthétiques. Autrement dit, les pics d’angoisses sont totalement déceptifs, en particulier le système d’apparition qui ne mobilise en rien les rouages suggestifs de l’horreur. La monstration des corps, plaisante à de brefs instants, élimine la notion d’absence pourtant essentielle. Il manque une forme, ou plutôt une force de détachement de la figure, des personnages qui gangrène, le plus souvent, la majeur partie du cadre, annulant presque systématiquement le fond de l’image. L’espace de l’image n’entretient plus de correspondance avec l’espace dans l’image. Une scission nette se créée, un seuil infranchissable sépare deux territoires nettement délimités, hétérogènes, et encourage inévitablement la déportation programmée, automatique de notre regard vers le fond de l’image sans jamais exploiter une quelconque confusion poétique entre la figure et le fond. Les zones interstitielles, à l’image des multiples entrebâillements de portes, ne font même plus office de figure tant elles sont exploitées de manières convenues, comme si le monstre que l’on tente d’apercevoir était « l’être sous la main désignant la présence de l’objet en elle-même subsistante (1) ». S’en distingue les personnages-outils du film, soit possédés soit inanimés, désarticulés. Ils mutent constamment, représentés individuellement puis unifiés par la menace fantomatique qui les modélise comme un seul et même « être-à-portée-de-la-main », maniable, configurable à souhait tel des poupées dont on peut jouir sadiquement. Une dialectique intéressante s’opère alors, les corps sculptent l’espace de la maison maudite à mesure qu’ils sont eux-mêmes sculptés par la malédiction qui les touche.
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