En comparaison avec "le secret de Mayerling" de Jean Delannoy (1949) qui a fait l'objet d'une critique hier, "Mayerling" de Terence Young met vraiment les petits plats dans les grands. On n'est pas du tout dans la même dimension.
Il y a de vrais moyens, un casting "conséquent", une musique très belle et ça se ressent même au niveau de la mise en scène.
Encore une fois je ne me prononcerai pas sur le fond de l'affaire qui risque bien de rester très mystérieux : "le secret de Mayerling" se voulait défendre la thèse de l'assassinat du couple Rodolphe/ Marie Vetsera par des agents de Bismark qui voyait d'un très mauvais oeil le risque de sécession de l'Autriche-Hongrie et les ambitions pangermanistes de l'Allemagne ; la proximité et le souvenir du conflit de la deuxième guerre mondiale était suffisamment proche pour donner du sens à cette hypothèse. Ici, dans "Mayerling", vingt ans plus tard, on est beaucoup plus dans une affaire interne à l'Autriche-Hongrie même si Rodolphe a des velléités d'indépendance de la Hongrie. La police politique très efficace de François-Joseph veille et suffit à contenir certains débordements du prince héritier. En quelque sorte, aucune porte de sortie n'est possible pour le couple Rodolphe/Marie Vetsera à qui il ne reste qu'à se soumettre à la discipline de la cour. Le choix du suicide prend alors tout son sens.
Les personnages sont aussi plus "à leur place".
Le personnage de l'empereur est interprété par un James Mason "impérial" c'est-à-dire dur, autoritaire, redoutable ; sa bonhomie n'est qu'apparente car n'abat jamais ses cartes. Ainsi, il se joue de son fils qui n'a qu'une chose à faire, c'est d'attendre patiemment qu'il meure pour qu(io puisse s'installer sur le trône. James Mason y est impressionnant avec ses favoris et ses magnifiques moustaches.
Ava Gardner interprète le rôle de l'impératrice Sissi vieillissante ; là aussi, il n'y a pas photo par rapport à l'interprétation du rôle dans "le secret de Mayerling". Là, Ava Gardner a une présence indéniable dont on peut sentir sa capacité à influencer et son poids face à l'empereur.
Et j'ai gardé pour la fin "le" couple ...
Avec un Omar Sharif autrement plus mature que Jean Marais dans le rôle qui lui a été attribué dans le film de 1949. D'abord son personnage est plus lisse et plus "vendeur" que celui du film de Delannoy.
Entendons nous bien, je ne porte pas de jugement sur le personnage ; il est possible que celui attribué à Jean Marais était au fond plus proche de la vérité. Ici je ne considère que l'apparence, le ressenti du spectateur. Dans "Mayerling", Omar Sharif porte beau, est aussi séducteur, nettement moins mufle. Il est surtout plus mature. On comprend déjà mieux la vacuité de sa vie entre une épouse officielle qu'il n'aime pas et l'absence complète de responsabilité au niveau de l'Etat qu'il occupe dans une vie désordonnée qui l'ennuie tout autant. Omar Sharif joue parfaitement le rôle du héros romantique, incompris et légèrement dépressif.
Mais c'est surtout le personnage de Marie Vetsera qui est infiniment mieux réussi avec une Catherine Deneuve "jeune" à la plastique parfaite mais dont la mentalité est probablement idéaliste mais surtout plus adulte. Comparativement à Dominique Blanchar qui donnait vraiment l'impression de l'oiselle à peine sotie de son nid dont on ne comprenait pas très bien comment Rodolphe, l'homme à femmes, avait pu s'en amouracher.
La mise en scène de Catherine Deneuve est très réussie en plusieurs étapes progressives de la fête foraine où les deux sont incognito, la splendide scène à l'opéra où un subtil parallèle s'opère entre le ballet "Gisèle" et Rodolphe attirant le regard de Marie, la scène "presque" gothique dans l'appartement de Rodolphe où elle exprime par son maintien qu'elle n'est pas une courtisane jusqu'à la consécration (ou le scandale, c'est selon) au bal impérial.
Au final, on comprend aisément que "Mayerling" en 1968 ait poussé dans les oubliettes "le secret de Mayerling" qui avait eu, parait-il, du succès à sa sortie en 1949 ...
Avec "Mayerling", on tient un film furieusement romantique avec un Omar Sharif dans le rôle du prince héritier qui se débat désespérément entre les contraintes de l'étiquette de la cour et la discipline imposée par son père et avec une splendide Catherine Deneuve charmeuse et secrète, faussement candide et intensément amoureuse.
Le tout somptueusement emballé dans une musique de rêve de Francis Lai
On est dans un monde magique. Enviable ? Probablement pas ...