A Toulon, tous courent...
Fred Cavayé n'est pas le réalisateur le plus connu de France ni celui qui fait le plus vendre. Mais en quelques années, il a commencé à se faire un nom. Deux polars ont suffi à le révéler au grand public, "Pour elle" en 2008 et "A bout portant" deux ans plus tard. Le premier était porté par un silencieux mais non moins expressif Vincent Lindon. Le second était sublimé par la performance aussi bien physique que psychologique de Gilles Lellouche. Il semblait logique de les retrouver ensemble dans ce dernier épisode de la trilogie cachée du "polar". Et dans des rôles de flics, bien entendu, petit péché mignon de Cavayé. Loin de Paris, c'est à Toulon que nos personnages évoluent. Et le fils de Simon, alias Vincent Lindon, est au centre de l'intrigue. Il a vu un truc qu'il n'aurait pas du voir...
Fred Cavayé ne s'attache pas au détail, ne cherche pas à dévoiler le pourquoi du comment. Il préfère nous proposer des courses-poursuite comme il sait en créer. Sur une heure trente de film, le spectateur ne se repose jamais et garde sans cesse le souffle coupé. Cavayé joue de la caméra comme Santana de la guitare ; il en fait ce qu'il en veut. Il respecte en tous points les codes du polar avec son atmosphère si particulière. Le jeu de lumières est tout particulièrement travaillé, et n'est pas sans rappeler les films de gangsters des années 50. Il y a également du Orson Wells caché dans les références. Pour suppléer les effets visuels, la musique angoissante de Cliff Martinez vient accentuer l'inquiétude et la tension.
Car oui, "Mea Culpa" est une oeuvre à l'américaine, mais bien de chez nous. Rien que citer Cliff Martinez au générique amène un peu d'Hollywood à Toulon. Pour les non-initiés, Martinez n'est pas un novice de la musique au cinéma puisqu'il a composé les bande-sons de "Solaris", de "Drive", de "Spring Breakers" et plus récemment d'"Only God Forgives", entre autres. Rien que ça. De plus, les critiques ont qualifié ce film "à l'américaine" notamment grâce à son montage impeccable qui ne laisse rien au hasard. Fred Cavayé nous amène où il le souhaite grâce à un découpage technique aussi surprenant que bien écrit. On passe d'une histoire à une autre à travers des transitions qui semblent se faire naturellement. Le montage nous permet aussi de constater toute la complexité des personnages, qui donnent de la poigne à l'intrigue.
En résumé, voici un film appliqué au résultat parfait. Porté par des acteurs au talent indéniable, les quelques défauts qui parcourent ce film de part et d'autre se font vite oublier face à la maîtrise de sir Cavayé. Et si la séquence de fin peut tirer les larmes de manière un peu trop facile, elle n'est en rien pathétique puisqu'elle s'inscrit dans le ton du film. Mais comme Fred Cavayé s'applique à le faire dans ses oeuvres, je laisserai le silence parler de lui-même et vous faire votre propre avis...