Le noir s'abat dans la salle.
Pour laisser place aux bandes annonces des films du festival de Cannes 2020, ainsi qu'aux oeuvres comme Rouge, qui sont programmées... Pour le 28 novembre suivant.
La réouverture des salles de cinéma sonnerait presque comme si une force extérieure avait enfin daigné appuyer sur le bouton lecture de sa télécommande afin de mettre fin à cette longue pause irréelle, histoire que le temps s'écoule enfin normalement.
La salle est par ailleurs très peu fréquentée, à des années-lumières même d'une jauge inutile. Tant mieux, après tout, que l'on en profite pleinement.
Surtout devant un film comme Méandre, qui a tout du rattrapage ou du miraculé, selon l'endroit d'où l'on regarde l'industrie aujourd'hui. Pensez-vous, un tout petit truc que beaucoup qualifieront sans doute de série B aisément oubliable, au goût de SF en plus, avec un high concept éventé depuis au moins 1999 avec Cube.
Et français avec ça.
Méandre compense son absence évidente de moyens par une économie d'effets salutaire et une mise en scène assez inventive pour renouveler ses axes et se libérer d'un tube riquiqui comme décor unique, qui aurait pu vite se révéler rébarbatif pour le spectateur.
Passée son introduction sombre, Mathieu Turi semble exécuter un véritable saut dans le vide, avant de contraindre son actrice Gaïa Weiss à une fuite en avant éperdue. Dans une claustrophobie de presque tous les instants aux accents de science-fiction discrète et aux ressorts axés sur une horreur suintante.
C'est cet intense sentiment de piège aux dimensions extrêmement réduites qui prédomine tout d'abord, rythmé par des pièges vicieux, donnant l'impression que la jolie Gaïa évolue telle une souris dans un labyrinthe sous l'oeil amusé d'un mystérieux geôlier.
Le spectateur y croit à fond, pris par l'atmosphère anxiogène et diablement efficace d'un film qui ne souffre d'aucun temps mort lorgnant de manière évidente du côté du survival inspiré du jeu vidéo dans sa construction.
Puis Méandre bifurque lentement vers la psychologie de son héroïne à l'aune de(s) épreuve(s) traversée(s), un tournant qui fera sans doute hurler au simplisme les vrais et les durs. Et si, une fois ce détour emprunté, l'aspect science-fiction pourra être jugé un peu gratuit, le film gagne en capacité d'identification avec son personnage principal qui tente de se libérer dans tous les sens du terme.
Au point que Méandre pourra rappeler le voyage intérieur de la Baby Doll de Sucker Punch, dans une histoire en forme de refuge mental face au traumatisme et à l'indicible d'une situation sans issue.
Oui, cela fera tiquer certains, à l'évidence. Mais la générosité de Mathieu Turi et sa totale confiance en ce qu'il porte sont telles que Méandre ne peut qu'emporter le morceau et s'imposer comme une réussite. Une réussite sincère, ludique et dépassant son intrigue de départ pour muer vers un film multiple aux allures de conte, d'allégorie, d'expérience.
Et allant bien plus loin que le concept de fille dans un tube auquel on le résume beaucoup trop rapidement.
Behind_the_mask, pour qui la vérité est au bout du couloir... A droite.
Ou à moins que ce ne soit à gauche, va savoir...