Ce film se fait tellement démonter...
J'ai l'impression que c'est le principe même du film qui n'emporte ni l'adhésion du public ni de la critique comme si un divertissement au concept simple et qui ne prétend pas être plus qu'une allégorie serait forcément niais ou pompeux, au choix.
Pendant ce temps là, personne ne se sent hors sujet quand on tente de crédibiliser le fond politique foutraque et puéril de Civil war. J'ai pas envie de descendre Civil war, je m'en fiche de Civil war, d'ailleurs c'est pas une critique de Civil war ici ! Mais je tenais à commencer ma critique par ce petit billet d'humeur et en prenant comme exemple ce film très connu et l'accusé du jour, Méandre. C'est très simple en fait, je me dis juste que les films de série B d'une époque sont les films grand public honorables d'une autre.
Civil war est américain, coûte très cher et appartient à une franchise installée ; la celebrité engendrant la celebrité, on se dit que cette dimension politique n'est pas un excès d'orgueil ou un sous texte insistant mais juste un ajout sympa.
Méandre est un survival claustro français horrifique (c'est à dire qu'il a une ambiance lourde, pas qu'il doit nécessairement faire peur, mais bon les petites cases, tout ça...). Déjà qu'il occupe un créneau trop rare, si ce petit sagouin ose en plus émettre un propos ! Là c'est juste de la prétention, allez basta.
C'est franchement dommage que les tendances soient si totalisantes : elles créent un monopole de crédibilité, elles obstruent la possibilité d'un autre traitement, un autre ton, une autre ambition.
Parce qu'on en vient au film : c'est quoi l'ambition de Turi ? C'est quoi d'ailleurs l'ambition d'un huis clos ? Un huis clos, c'est un précipité, une litote, un monde et un vécu signalé par une micro action. Moi je vois deux choix dans ce contexte : d'abord produire un discours à l'encontre ou en réaction à ce monde qui a engendré la bulle d'histoire à laquelle on s'expose. La méthode Agatha Christie en gros : jouer la surprise et plaider la coincïdence avant de réaliser que le Crime de l'Orient Express ou celui des Dix petits nègres sont des atrocités non pas créees mais pire, permises par l'époque. Bon, l'équivalent est possible pour ausculter des relations complexes, ménager un humour théâtral, etc, etc...
Option numéro 2 : s'abriter du monde. Le renier, reprendre à zéro. Partant, là ou le huis clos plus conscient de lui même peut s'ouvrir à des réferences à l'actualité et produire un débat activement, le huis clos plus replié et viscéral appelle à une élimination de ses réferences. Oui, ça fait penser à Cube et Saw, mais c'est la lecture qu'on y applique, pas ce que le film propose. Il serait bénefique d'arrêter les procès d'intention pour entrer dans un film. On ne reçoit bien qu'à condition de savoir donner : à condition qu'on accorde de son attention et de sa crédulité à Méandre, qu'on baisse un minimum les défenses pour s'exposer à ce qu'on nous offre, qu'on écoute au lieu de parler à la place du long métrage tout simplement, on découvre un film avec ses surprises, ses défauts aussi mais surtout sa personnalité. Elle s'aménage dans les petites choses comme la direction artistique insistant sur la texture griffée du décor, comme ce choix d'un bracelet brillant accroché à l'actrice qui met en valeur le visage parallèlement à un état du corps dicté par les spasmes et l'angoisse ce qui crée une lumière à la fois aléatoire et naturellement calquée sur l'état physique (et pour peu que j'emette une théorie qui ne correspond pas au tournage, l'idée en tant que telle traverse l'esprit : la forme du film interpelle), comme cette musique plutôt lyrique et thématique que mécanique et bruyante. Si je m'en tiens à ce qu'on m'offre, Mathieu Turi, mais a fortiori son équipe et son actrice non plus, n'ont pas un fond ni une forme révolutionnaire à proposer ; oui la composante vie familiale brisée est plutôt pataude et oui, le final et surtout ce dernier plan qui semble avoir été filmé à Jurassic Park sont de mauvais goût. C'est plutôt intéressant cependant : ces scories signalent bien un manquement par rapport à ce que réussit le film. Croire en son sujet, s'accrocher jusqu'au bout, nous prendre à témoin sans mensonge ni appel du pied.
C'est peut être pas beaucoup plus riche que Civil war, mais ça ne gonfle pas les muscles et ça n'a pas été délavé par une charte esthétique sans âme. Ça ne ment pas, c'est là, génereux, entier, pas parfait mais honnête. Honnête, c'est souvent un argument qui revient quand on a passé un bon moment, et c'est évidemment très parlant. Vous vous attendez à quoi en allant voir un tel film, sincèrement ? Est-ce que c'est vraiment intéressant de venir juste pour constater que ça ne tient pas la route face à une production plus cossue et un type d'histoire plus pudique ? Méandre c'est l'histoire d'une nana qui galère et qui est triste moralement et aussi littéralement parce que bon, elle est sequestrée dans un conduit, donc c'est expressif, explicite et ça essaie de souligner l'importance de la libération de son protagoniste. C'est toujours ça l'enjeu, on le sait, et on ne vient jamais en se demandant si elle va sortir ou pas, mais si le voyage aura valu le coup. Parce que Méandre essaie d'être ça, un voyage, et ne prétend jamais être autre chose ; c'est un film honnête.
Pas que je vais oser expliquer aux autres la bonne manière de se divertir, mais ça m'attriste de voir un film si visiblement génereux et au dessus du cynisme ambiant d'une industrie brassant toujours plus de fric pour justifier son existence se faire rouler dessus. Mon explication, c'est que c'est une histoire simple et qu'on est biberonné au faste et à l'artifice. C'est le cinéma qui en prend un coup...