Meantime c’est un film anglais, un vrai, social, avec une soupe de tronches, des chômeurs qui boivent de la bière devant leur télévision, une jeunesse pommée complètement désœuvrée, des mères adolescentes et l’ombre de Thatcher qui flotte au-dessus de chaque plan, de chaque personnage, de chaque situation.
Mike Leigh nous plonge dans la vie d’une famille vivant des allocations chômage dans une cité faite de bâtiments en briques défraîchis aux halls d’entrés misérables et couverts de graffitis, rangés sur une étendue de bitume constellée de déchets et d’objets abandonnés. Frank et Mavis, les parents, passent leurs journées à se chamailler pour des broutilles et à regarder la télé en sirotant du thé ou en enfilant les bières. Mark et Colin, son frère retardé, enquillent les pintes et jouent au billard dans leur pub favoris ou tuent le temps à coup de discutions superficielles, de canettes et de clopes entre deux tours à moitié en ruine, souvent accompagnés de Coxy, jeune skinhead légèrement timbré, toujours posté dans les recoins les plus inattendus de la cité.
Meatime retranscrit l’ennui profond d’une jeunesse sans espoir, le vide de la vie sans travaille et la difficulté de remplir la journée quand on a absolument rien à faire grâce à une série de situations brutes, rudes et sombres qui s’enchaînent les unes après les autres, comme les immeubles tristes, sans vies et sans âmes du quartier qu’il dépeint. Immeubles qui confinent, enferment et écrasent ses habitants dans de petits appartements vétustes. Le ballet burlesque de Frank, Marvis et Mark qui attendent leur tour pour aller aux toilettes symbolise à merveille cette promiscuité permanente.
Ce film poignant est également porté par des acteurs fantastiques avec notamment les jeunes Gary Oldman en skinhead complètement perdu, Phil Daniels, en monsieur je sais tout particulièrement agaçant et surtout un Tim Roth à vous briser le cœur, dans le rôle du frère retardé. Le tout enveloppé par des airs de piano lancinants qui confèrent au film un aspect quasi mystique et hors du temps.
La scène du skinhead Coxy, bringuebalé de droite à gauche dans une cuve géante en acier, frappant frénétiquement avec un morceau de métal contre les parois, représente parfaitement la rage et le désespoir de ses personnages emprisonnés dans leurs bâtiments décrépis et dans leur morne vie.
Un film juste et humaniste, toujours d’actualité et criant de vérité 30 ans plus tard.