Fils de médecin de C.H.U, le docteur-réalisateur Thomas Lilti a vite été déçu par le fonctionnement des hôpitaux, et cela dès son enfance au travers de son père jusqu'à ses études qui viendront confirmer son irritation. S'étant ensuite dirigé professionnellement dans un milieu rural de Normandie pour exercer en tant que remplaçant, c'est tout naturellement à cette médecine plus humaniste qu'il décide de rendre hommage avec Médecin de Campagne. Film qui traite d'un médecin ayant toujours mis à disposition sa personne pour aider ses patients auxquels il semble devenu irremplaçable, mais qui se voit forcé d'être remplacé par Nathalie, fraîche diplômée reconvertie, car devient lui-même à son tour gravement malade.
Là où son précédent film Hippocrate misait tout sur une certaine authenticité qui cachait une déplorable réalisation, la faculté de Lilti à mettre en scène correctement se trouve relativement dopée. Bien que cela reste très limité avec notamment une démarche esthétique quasi-nulle, le docteur réussit néanmoins à donner du sens aux images, à imager la situation du personnage principal adroitement. En effet, lorsque notre médecin de campagne prend le périph' pour rentrer chez lui et qu'il se fait dépasser par la petite twingo qui vient de la voix d'accélération, c'est significatif, c'est subtil. Puis quand au milieu du film ce dernier tombe dans la boue en pleine nuit pour aider un patient, et qu'il se fait rejoindre par sa nouvelle collègue qui elle ne tombe pas, ça c'est intelligent, c'est remarquable.
De plus, Thomas Lilti a l'intelligence de démarrer son film sur cette révélation de maladie, ce qui nous permet de découvrir cette univers en même temps que cette nouvelle acolyte et donc éviter une introduction ennuyeuse. En fait, avec ses airs de «film de vieux», il est agréable de voir qu'on ne s’ennuie pas comme attendu avec ce médecin lessivé qui se croit irremplaçable, campé par un François Cluzet convaincant. Et il en va de même pour cette ravissante Marianne Denicourt.
Le film peut néanmoins paraître ringard avec ce côté «gentil» permanent, mais si cet optimisme permanent dans le traitement dérange, cela n'empêche que c'est un peu ce qui porte le film. Ce duo est fort, attachant, voire fort attachant quand on voit qu'il est sans cesse réuni par cette passion du métier comme lorsque Maroini se retrouve blessé. En fait, ce film diffuse une sympathie et une gaîté fortement appréciable bien qu'on aurait pu espérer des émotions plus diverses et fortes avec un dénouement dramatique accentué, au lieu d'une simple comédie dramatique à la cool.
Mais comment ne pas rejoindre le gentil parti pris du cinéaste qu'est de nous montrer une ribambelle de personnages amusants comme ce jeune autiste bloqué sur la guerre 14-18, ou enjoliver la fin de vie avec ce vieux monsieur qui va subir une étrange escapade ?
Sans oublier la beauté naturelle des scènes, de l'évolution de notre femme qui apprend de notre coriace médecin, qui va le soutenir en retour jusqu'au bout, jusqu'à le remotiver quand il baisse les bras lors de cette réunion finale, et lui permettre une certaine rémission. Sans oublier la justesse de chaque auscultation, dont l'apogée est celle de notre grincheux médecin sur son élève; avec cette pointe d'érotisme pouvant réveiller un certain fantasme, qu'il soit médical ou de supériorité.
Bien qu'il ne soit qu'un modeste film peut-être trop simpliste pour 1h40 et trop gentil, voir ces deux êtres qui mettent leur propre vie de côté et qui se donnent corps et âme pour leur métier amène à une petite joie éphémère, qui ravira en particulier toutes les mamies et papis un dimanche soir sur France 2 après leur vieille soupe de légumes et leur Vivement Dimanche avec Drucker.