A la sortie de la séance, un seul sentiment prédomine derrière le masque.
Celui de la perplexité.
Perplexité devant ce qui lui a été montré.
Perplexité devant ce qui est écrit en guise de retour, quand on dit de manière très feutrée et pudique que l'oeuvre « divise ».
Juste une question : parlerait-on de manière aussi mesurée de l'accueil de Megalopolis s'il n'avait pas été réalisé par une icône du cinéma ? S'il ne s'agissait pas d'un projet fantasmatique nourri depuis quarante ans par un Francis Ford Coppola qui a dû ronger son frein ?
Non, si vous voulez mon avis.
Car on aurait sans doute brocardé avec bien plus de véhémence l'aspect particulièrement kitsch de l'entreprise, certaines saillies grandiloquentes, certaines scènes à la limite du ridicule ou encore quelques plans à la ramasse. Ou encore ce filtre doré dès lors qu'il s'agit de parler du temps ou de l'aspect très vaguement science-fictionnel du film.
Sur cet aspect, le masqué posera une autre question : A quoi sert le pouvoir d'Adam (à travers le temps, bien sûr) ou encore ce métal miraculeux, plaqués de manière très superficielle à la narration ?
Vous m'ôterez sans doute les mots de la bouche si vous pensez « à pas grand chose ».
Et même si certaines idées étaient intéressantes, comme cette ville hybride à cheval entre l'antique et le post-moderne, Megalopolis ne pourra être ressenti que comme étonnamment gratuit et niais au regard d'un final digne d'un discours de Miss France. Le masqué attendait quant à lui un geste radical ou, si l'échec était manifeste, un suicide professionnel magnifique.
Il n'en est rien.
Coppola réussit un exploit : celui d'inventer le délire au petit pied, le geste artistique semi-autistique confortable et mou du genou.
Megalopolis est au cinéma ce que Citroën a longtemps été à l'automobile : une marque prisée des vieilles personnes pour son confort et sa sécurité à toute épreuve.
Le problème, c'est que l'oeuvre semble être irrémédiablement prise au piège, tellement il paraît être le dernier ambassadeur de son temps, celui des années 90. Mais ce défaut n'est pas grand chose dès lors qu'avant le sentiment de perplexité qui l'étreint, le masqué a ressenti l'ennui. C'est extrêmement rare chez lui. La dernière fois, c'était devant Cosmopolis, autre œuvre temporellement bâtarde où une autre grosse pointure se regardait filmer quelque opinion politique tout en se montrant hermétique et en laissant le spectateur sur le bord de la route.
S'il est immédiatement moins détestable que l'opus de Cronenberg, Megalopolis laisse une impression bien plus cruelle : celle d'un immense gâchis. Au moins Francis aura-t-il enfin réalisé son grand rêve. Dommage qu'il n'ait jamais eu la volonté de le mettre à la portée de tous.
La montagne a bel et bien accouché d'une souris.
Behind_the_Mask, delirium très mince.