Un film ambitieux, qui s'écroule sur le réel, voici Megalopolis de Francis Ford Coppola.

On a envie d'aimer ce film pour sa promesse de folle épopée métaphorique, on se dit que si les critiques sont si unanimement mauvaises, c'est qu'il est unique et incompris.

Malheureusement, il n'en est rien. C'est le film le plus politiquement correct de ces dernières années, une ode à l'époque, par l'époque, pour l'époque.

40 ans de réflexion ? On le croirait écrit hier.

Tout est consensuel, la bien-pensance y est de rigueur, le spectateur contemporain n'est jamais bousculé tant tout conforte à l'ordre établi.


César, architecte de génie ( et philosophe du PMU à ses heures perdues ) va pendant tout le long faire semblant de se battre pour imposer sa vision du monde, celle du sacro-saint progrès, dans une dystopie décadente dirigé par des hommes ( Cicéron, Crassius ) qui pensent exactement comme lui.

Je vous arrête tout de suite, oui ces noms sont ceux d'illustres personnages de la Rome antique, le film essayant de recycler l'idée intéressante et intuitive de la comparaison entre la chute de l'empire Romain et la chute de l'empire d'Occident étant présente dans toutes les têtes, mais n'étant jamais exprimé aussi clairement dans une telle production.

Mais cela s'arrête net quand l'on découvre après 30 minutes, bien rythmées, que la Rome antique est ici dépeinte à la manière d'un péplum des années 50 avec sa grosse cuillère de luxure. D'ailleurs, personne ne s'y trompera quant à la moitié du visionnage toute références autres qu'esthétiques disparaissent, une promesse non tenue de plus.


La suite est constituée de brouillons de scénarios et de sous-intrigues ne faisant ni avancé le tendre rêve ( oupsss projet ) de notre César ni inculqués quelconques morales à ces contes.

La fille du Maire ne pouvant s'empêcher de rejouer le numéro de la fille défiant le père et tombant amoureux du héros, on s'attardera plus sur une journaliste ravageuse à défaut d'être profonde et une excellente prestation de Shia LaBeouf en gosse de riche, étant le principal point fort de Megalopolis. ( Adam Driver étant toujours aussi insupportable et inexpressif surtout dans les scènes de douleur ).

À l'écran, c'est visuellement inégal, on alterne entre bouillies visuelles de New Rome et effets spéciaux horribles ( mention spéciale aux statues vivantes ) avec de l'onirique inspiré et un mélange des couleurs admirable arrivant à magnifier cette mégalopole sans âme. Le plan voluptueux de nos héros perchés sur des poutres tenus par le saint esprit étant le seul qui m'a véritablement marqué durant les 2h18.

Je reste terriblement déçu par le peu d'utilisation du pouvoir d'arrêter le temps de César qui nous donne un rendu superbe à l'image, rendant ce pouvoir complètement inutile ( comme son impact sur le scénario ).


Ce qui nous amène fatalement au propos principal du film, ou du moins celui que Coppola essaye d'illustrer maladroitement, ou habilement selon son véritable motif, du combat du progrès contre le conservatisme. Et ça fait pschhiiittt comme dirait l'autre.

Non seulement les valeurs fondamentales de ces mouvements sont inversés, mais c'est digne du plus pompeux des poncifs " Le bien c'est bien et le mal c'est mal ". C'est une lettre d'amour à la société occidentale moderne montré comme le bon chemin à suivre pour toute l'humanité, et c'est parti pour une ribambelle de louanges pour nos élites qui eux seuls possèdent l'intellect suffisant à montrer la voie, cette espèce de super-classe dirigeante qui veut notre bien et qui emploie généreusement leurs moyens financiers, administratifs et policier à l'élévation du petit peuple.

Tout est avec notre héros ( étant lu même membre ), les élus, la banque, le show-business comme solutions évidentes et altruistes au progrès. Contre tout autre avis que leur délires mégalomaniaques, contre le peuple.


Le peuple ? Ici, il n'existe pas, 99% de l'humanité n'existe pas ( problématique pour discuter d'un changement complet de société ) Non, dans Megalopolis, seule la foule existe. La foule haineuse, crasse, sans identité propre ni culture, jouant le rôle des moutons dans une référence honteuse tant elle est grossière aux électeurs de Trump, aux vilains mouvements nationalistes et attention Coppola dénonce aux nazis! ( Magique la souche d'arbre en forme de croix gammée ou le tatouage de soleil noir sur le front du pote de Shia ) et le film vous prends tellement pour des cons qu'on vous rajoute des images d'archives d'Hitler et de Mussolini gratuitement.

Le mépris est le véritable personnage principal. Coppola enfonce des portes grandes-ouvertes et ne fait que féliciter les élites globalisées et le petit monde de la bien-pensance pour les autres ( bonjour Hollywood ), c'est tellement flagrant et avoué que je pense que le milieu de la critique s'est sentie obligé de détruire le film pour noyer le poisson.

Cocasse pour une dystopie où visiblement Marx n'a jamais existé que de se prendre un satellite de l'URSS sur la gueule.

Tout est donc ordinaire ici, et sur ce point c'est réussi, effectivement, c'est une belle allégorie de notre monde.


L'apothéose finale, le Megalon, seule magie dans ce monde que tout le monde connaît et outil rêvé des transhumanistes de tout bord ( sa nature est aussi floue que le projet de César ) et la fameuse Megalopolis sorti tout droit des plus mauvaise I.A. ou d'un poster de votre promoteur immobilier préféré.

Bref, l'oligarchie est là pour vous guider vers l'avenir, ne remettez surtout RIEN en doute, suivez la lumière de cette nouvelle religion, et allez voir Megalopolis de Francis Ford Coppola.

Je suis sûr que ceux se trouvant du bon côté du manche le trouveront génial et subversif.


( Ce n'est qu'un avis parmi d'autres, et je souhaite lui donner une seconde chance à l'avenir )

Nidyth
4
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le 25 sept. 2024

Critique lue 42 fois

2 j'aime

Nidyth

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