Une œuvre dense, foisonnante et folle, un méga chef-d'œuvre qui m'a imprimé l'esprit, la rétine et le cœur. Deux heures littéralement enivrantes. Pour résumer c'est une grande fable utopiste assumée comme telle qui veut montrer que la fin de toute notre Décadence matérialiste pourrait être actée par les visions et ambitions d'un sincère artiste marginal (qui a ici le pouvoir d'arrêter le temps selon son bon vouloir, chose que je n'ai pas pour l'instant saisi, si quelqu'un pourrait m'expliquer en commentaires sous cette critique ?).
Le propos rétro-futuriste est pertinent et de toute ma vie de cinéphile, je n'ai jamais vu des cadrages aussi impressionnants. Quand notamment nous arpentons la ville, ses visions des immeubles etc. C'est hallucinant.
La Décadence n'aura jamais été aussi belle. Calquée sur celle de Rome, c'est la Décadence de la République et notre Occident. Cette société et cette immersion renvoient assez à Fellini, à Blade Runner d'une certaine manière et cela rappelle aussi beaucoup Matrix (faisant penser a une Strate de la Matrice pour 3 raisons : la photographie, la fonctionnalité de cette société, et aussi un Morpheus en narrateur infiltré hihi).
Scénaristiquement, le thème de l'opposition entre la droite des affaires/gauche sociétale et la droite des valeurs/gauche du travail est intéressant, de même que la réflexion sur la volonté et l'obsession de l'art porté par un Adam Driver prodigieux dans ce rôle d'un architecte perturbé qui voudrait engendrer un changement et s'élever au-delà de tout ce conglomérat citadin de bêtas oppulents et cupides. Il y aurait tant à dire, au fil des visionnages. La critique sera donc sûrement enrichie au fil du temps (s'il ne s'arrête pas !). Et ce qui me désole ou m'amuse - selon mon humeur - c'est qu'encore une fois tous les pisse-froids les pseudo-critiques aiment déblatérer partout se sentant fortement decontenancés devant cette oeuvre parce qu'ils se retrouvent tout à coup face à du vrai cinéma. Bref il en sont tout déstabilisés les bougres.
« Un empire prend fin quand les gens cessent d’y croire », « Il ne faut pas laisser le présent détruire l’éternité », « Il n’y a pas à avoir peur du futur à partir du moment où on aime »…
Transcender le temps à travers le dialogue et la créativité : tel est le vœu in fine formulé par Francis Ford Coppola, dont les conclusions filmiques ont rarement été autres choses que désenchantées. C’est tout l’inverse ici, et c’est peut-être le plus beau : le film se conclut sur une diatribe endiablée contre les dettes et les bidonvilles, avec en toile de fond le chemin d’une utopie totalement solar punk, définitivement écologique, dans laquelle un bébé encore en couche-culottes entame timidement ses premiers pas… Alors oui le Déclin est bien là, bien ancré, mais il est également loin d'être fatalement inscrit dans le marbre à condition finalement que nous souhaitions véritablement, comme le héros, rebâtir tout cela.
Projet d'une Vie, ce Megalopolis est assurément un tourbillon magistral, fascinant, magique.
Bravo et merci M. Coppola.