Il y a d'abord cette introduction opératique sidérante : qu'on aime ou qu'on n'aime pas Wagner (à fond la caisse), "l'Art Pompier", la suffisance auteuriste affichée ici par Von Trier, ce prologue est une expérience de cinéma extrême, vrai, fort, et qui fait que Von Trier a déjà gagné son pari avant que le film n'ai même vraiment commencé ! Ensuite, il y a ce que l'on préfère chez Von Trier, du cinéma filmé caméra à l'épaule, le plus près possible d'acteurs merveilleux parfaitement "dirigés", donnant le meilleur d'eux même, pour une vision affreusement dépressive de la vanité de toutes les entreprises humaines : amour, sexe, business, famille, rien ne vaut la peine d'être sauvé, nous dit notre Danois suicidaire, tout sera balayé dans une apocalypse aussi terrifiante que parfaitement sereine. Heureusement, pour nous infliger ainsi son pessimisme le plus radical, Von Trier utilise comme (presque) toujours toute l'intelligence de son cinéma, enchaînant scènes époustouflantes de crudité émotionnelle et moments de respiration enchantés, construisant une remarquable architecture narrative, dont la complexité n'a d'égale que la parfaite lisibilité. "Melancholia" est un film dérangeant, à la fois obsédant et magnifiquement léger, un film que l'on pourra détester (ce n'a pas été mon cas...) mais qui s'installe d'emblée au panthéon du 7ème Art. [Critique écrite en 2012]