2ème long métrage Live/animation Disney: Mélodie du Sud (1946)

Le voilà donc. Le film entièrement censuré depuis de longues années par Walt Disney. Totalement introuvable de façon légale depuis les années 90. La honte de la firme aux grandes oreilles qui tente de dissimuler sous le tapis le racisme ignoble, malsain et véritablement criminel du film... C'est donc en tremblant, vous l'imaginez bien, que je me suis procuré une version piratée afin de continuer mon intégrale Disney... Je vous en prie, ne me dénoncez pas aux flics !

En 1946, Walt, le big boss, commençait à se lasser de sortir des compilations de courts-métrages et souhaitait proposer à nouveau au public une histoire longue et unie. Malheureusement, les caisses de l'entreprise étant toujours aussi vides, ce vœu pieu n'était pas prêt de se réaliser. Une idée surgit alors: pourquoi ne pas plutôt proposer un mélange entre de véritables scènes filmées et quelques passages d'animation ? Les films live étant beaucoup moins onéreux à produire, il y avait donc là une intéressante perspective économique ! Surtout que Disney avait déjà mené des coups d'essais avec Les trois caballeros...

Le résultat est un film d'1h34 avec des acteurs en chair et en os, cédant parfois leur place à un total d'une vingtaine de minute d'animation. On y suit les aventures d'un jeune garçon dans une plantation de coton peu après la Guerre de Sécession. Le gamin se liera d'amitié avec un vieux Noir, ancien esclave, qui lui racontera les aventures de "Frère Lapin", prétexte à l'éclosion des séquences d'animation mentionnées.

Comme elles sont peu nombreuses, elles se paient le luxe d'être belles et parfaitement animées. L'humour n'est pas très loin d'un Tex Avery, avec ce Renard et cet Ours anthropomorphes qui imaginent milles ruses afin d'obtenir un savoureux civet de cet insupportable Lapin bondissant comme une balle magique ... A la base, ces histoires sont d'authentiques contes d'esclaves noirs réunis par l'auteur Joel Chandler Harris. En adaptant ce bouquin, Walt Disney souhaitait sincèrement faire découvrir au plus grand nombre un folklore afro-américain souvent oublié ou mis de côté.

Vous l'aurez deviné, il n'y a évidemment pas de racisme dans ce film, sauf si vous considérez que montrer un ancien esclave garder des contacts amicaux avec ses anciens maitres est raciste. La situation est certes improbable mais ne témoigne à aucun moment d'une volonté de rabaisser les personnes noires... En fait, le personnage d'Oncle Remus, le conteur, est le véritable héros de ce film: positif, un brin moralisateur mais d'une créativité et d'une bienveillance sans limite. On peut dire sans exagérer qu'il est un véritable rayon de soleil qui illumine la vie des personnages qui gravitent autour de lui. L'acteur qui l'interprète, James Baskett, est même le premier homme noir à avoir reçu un oscar, pour ce rôle marquant et parfaitement interprété.

D'un point de vue artistique, on peut toutefois reprocher au film d'être un peu trop long. Les péripéties des enfants ne sont pas toujours très passionnantes, et je me suis retrouvé personnellement au bord de l'explosion de bâillements à plusieurs reprises. Les séquences animées sont rigolotes et particulièrement belles mais elles aussi finissent par devenir un chouïa répétitives...

"Mélodie du Sud" est une étape importante dans l'histoire de Walt Disney qui inaugurait avec cette œuvre ses films de fiction en prise de vue réelles (avant ça, il y avait déjà eu des films documentaires). D'un point de vu cinématographique, il est tout bonnement l'ancêtre vénérable des films tels que "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" ou "Space Jam". Enfin, il est aussi une étude de cas incomparable pour comprendre les méfaits de la paranoïa anti-raciste poussant des studios à s’autocensurer. Et ce, même lorsque leurs œuvres présentent des qualités humanistes plus qu'évidentes, détournées et avilies par une minorité hurlante...

Bonus: je vous présenterai bientôt le jeune acteur de ce film, Bobby Driscoll, et son destin tragique qui a refait parler de lui assez récemment. C'est une longue histoire, donc ce sera pour une prochaine fois, mais cela nous montrera une fois de plus la face sombre de Disney...

Amrit
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Epopée Disney

Créée

le 9 sept. 2024

Critique lue 58 fois

3 j'aime

1 commentaire

Amrit

Écrit par

Critique lue 58 fois

3
1

D'autres avis sur Mélodie du Sud

Mélodie du Sud
Walter-Mouse
5

Un été à la plantation

En quête d'un nouveau marché à conquérir, Walt Disney souhaite affirmer la diversification de ses productions ciblées tous publics tout comme il cherche d'autres solutions économiques pour garantir...

le 26 juil. 2019

11 j'aime

Mélodie du Sud
Boubakar
5

C'est pas l'oncle Paul, c'est Remus !

En découvrant ce film, et sa réputation sulfureuse, je m'attendais à y voir un énorme brûlot raciste, alors que c'est en fin de compte plutôt maladroit sur le traitement des personnages de couleur...

le 9 nov. 2019

6 j'aime

Mélodie du Sud
Trilaw
8

« Zip-a-dee-doo-dah »

Mélodie du Sud provoque un peu déjà à l’époque mais plus grandement encore aujourd’hui un tollé, en effet car il montre des esclaves heureux de leurs conditions, mais il y a cette scène à la fin qui...

le 3 avr. 2023

5 j'aime

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 9 août 2012

235 j'aime

78

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

99 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

95 j'aime

5