Après le thriller radieux « Plein soleil », voilà que je m’attelle à « Mélodie en sous-sol », le quinzième film d’Alain Delon en tant qu’acteur déjà passé par la case « Christine », « Rocco et ses frères » et « L’éclipse ».
C’est donc la deuxième fois je regarde « Mélodie en sous-sol ». La première, c’était lorsque j’avais la dizaine. Mon ressenti de vingt ans en arrière : un film assez sympathique, un genre de « Ocean’s eleven » à la française (j’ai vu ce dernier film après « Mélodie... »). Voici le résultat, aujourd’hui, vingt ans après.
Synopsis : Sarcelles. A peine sorti de prison, un vieux grigou (Charles) pense réaliser un dernier coup avant de se mettre à la retraite. Pour cela, il s’adjoint de son ancien co-détenu (Francis), un jeune voyou incarcéré pour magouilles et compagnie, et du beau-frère de Francis. Le magot en jeu ? Les millions du casino Palm Beach de Cannes… !
Sur un scénario très bien armé et très bien ficelé par Albert Simonin (l’auteur originel des romans « Touchez pas au grisbi », « Le cave se rebiffe » et « Grisbi or not Grisbi » -ce dernier a été adapté sous le nom « Les tontons flingueurs ». Scénariste également des « Barbouzes », « Tendre voyou », « Le pacha »…), et pas à la va-comme-j’te pousse !, le réalisateur Henri Verneuil organise un film de casse astucieux faisant la part belle au duo d’acteurs Jean Gabin/Alain Delon, à savoir un duo composé de l’ancienne garde du cinéma (Gabin) face au jeune loup aux dents longues déjà star (Delon). Deux numéros d’acteurs, pour leur première collaboration (mais pas la dernière : suivront « Le clan des siciliens » et « Deux hommes dans la ville »), ce qui donne un beau film d’anthologie français.
D’un côté Jean Gabin (l’illustre géant du cinéma français : « Pépé le moko », « La grande illusion », « Le quai des brumes », « French cancan », « Touchez pas au grisbi », « La traversée de Paris », « Un singe en hiver », « Le chat »… et tant d’autres !).
De l’autre, Alain Delon (qui joue ici avec Gabin pour la première fois ! Suivront « Le clan des siciliens » et « Deux hommes dans la ville » !).
Avec également Maurice Biraud (« L’œil du monocle », « Des pissenlits par la racine », « Le train » de Granier-Deferre), et l’inénarrable Jean Carmet (l’éternel second couteau du cinéma français : « Les enfants du paradis », « Alexandre le bienheureux », « Buffet froid », « La soupe aux choux », « Les misérables », « Le château de ma mère ») dans un mini-rôle.
Autant dire, un starring solide se payant le luxe d’avoir deux monstres sacrés dans un tel film ! Oui, je le répète, un casting doublement étoilé, mais qui a d’la gueule… !
Nous avons affaire à un film de braquage de haute volée, qui ne casse pas trois pattes à un canard !, mais qui a l’art d’être relevé grâce :
- aux dialogues de Michel Audiard (César du meilleur scénario original pour « Garde à vue » et père de Jacques, Michel a ciselé scénarios et dialogues de nombre de succès des 60’s aux 80’s : « Gas-oil », « Le cave se rebiffe », « Les tontons flingueurs », « La métamorphose des cloportes », « Le corps de mon ennemi », « Le professionnel », « Mortelle randonnée »… pour ne citer que ceux ci !) du type : « dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y’a des statistiques là-dessus. », « la liberté se lève à sept heures dans toutes les prisons de France » ou « l’essentiel, c’est de râler, ça fait bon genre ». Des dialogues audiardiens truculents et qui se savourent parfaitement sortis des bouches des Gabin, Delon, Biraud et consorts. C’est exquis, et y’a rien à r’dire ! Sauf qu’il s’agit, quand même !, de la seizième collaboration Gabin-Audiard. Citons « Gas-oil », « Les misérables », « Maigret tend un piège », « Rue des prairies », « Le président » et « Un singe en hiver ». Dame !
- et à une assez bonne musique entêtante de Michel Magne (compositeur qui a travaillé avec les plus grands : Yves Allégret, Lautner, Vadim, Hunebelle, Costa-Gavras) utilisant à merveille tous les instruments à disposition, trompettes et guitares électriques notamment, jusqu’à un point de non-retour. Surtout devant le ballet du casse du casino, pour la dernière demi-heure du film. Do-ré-mi-fa-sol-la-si-do… !
La mise en scène d’Henri Verneuil se fait sobre, simple et appliquée qui tend en première partie en un montage très suspicieux (surtout à Sarcelles, lorsque l’on passe dans la maison de Gabin, du salon à la chambre, sans aucune explication !: et Gabin d’être en pyjama sans nous prévenir. Diantre !).
Tourné sur la French Riviera, à Cannes, mais aussi à Nice, par l’incontestable Verneuil qui montre de sacrés dispositions pour le film de casse à la française, « Mélodie en sous sol » préfigure, à mon sens, son « Peur sur la ville » (pour les moments de tensions nerveuses), et plus tard, le film de casse à l’américaine (je pense bien sûr à « Hors d’atteinte » et « Ocean’s eleven » de Soderbergh, bien que ce dernier soit un remake de « L’inconnu de Las Vegas » de 1960 -que je n’ai pourtant encore jamais vu !).
Henri Verneuil, l’ancien critique de cinéma passé par la radio marseillaise dans sa jeunesse, par ses astuces de réalisation (regards deloniens braqués sur les autres personnages, croisements des regards, incarnation physique de brigand repenti avec Gabin, tension nerveuse maintenue par le cadre de sa caméra donnant des plans stables sur Delon ou Gabin, oscillations des vagues de la piscine...), formate le film de braquage (à la française) et nous donne l’envergure de son style musclé. Merci Monsieur le réalisateur !
Le metteur en scène de « La table aux crevés » (son premier long-métrage) et du film d’espionnage « Le serpent » établit un petit film de gangsters pour l’un des summums du genre dans les sixties et malheureusement démodé aujourd’hui car « Mélodie... » n’a pas résisté à l’épreuve du temps. Calibréo (haut), calibré bas. Eh oui.
Dans tous les cas, le réalisateur de « La bataille de San Sebastian » et du « Corps de mon ennemi » nous sort et nous sert un final inattendu et étonnant, moralement indéfendable !
Henri Verneuil réalise finalement un divertissement sympa mais qui ne franchit pas la barre du million de dollars pour être le chef d’œuvre cannois du siècle.
Finalement, le metteur en scène du film d’action « Le casse » signe et soigne un film de braquage astucieux, ainsi doté d’une esbroufe sans pareil, cousu au fer rouge mais pas au fer blanc !
Pour conclure, « Mélodie en sous-sol »(1963), qui connut un succès planétaire retentissant, est un ‘polar’ au diapason réalisé de main de maître, un film d’anthologie pour le trio Verneuil/Gabin/Delon, et un petit classique à la française mitonné par Henri Verneuil, le cinéaste de l’impossible (« Le mouton à cinq pattes », « La vache et le prisonnier », « Le clan des siciliens », « Cent mille dollars au soleil », « I comme Icare ») après la réunion Gabin-Bébel (pour « Un singe en hiver », autre classique du cinéma français).
PS : l’assistant-réalisateur de « Mélodie en sous-sol » n’est autre que Claude Pinoteau, le futur réalisateur du « Silencieux », « La gifle », « La septième cible », « La boum », « La neige et le feu »… !!
Spectateurs, les étoiles sont à la nuit ce que le jour doit au ‘plein soleil’. Pour ‘cent mille dollars’, ‘le jour se lève’...