“También la lluvia”, peinture d’une Bolivie tourmentée.

"También la lluvia" est une peinture aux multiples tableaux qui se croisent et se complètent.
D'une part, une mise en abyme. La rivalité historique entre "blancs" et "indiens", née de la conquête du Nouveau Monde par Christophe Colomb et mise en scène dans le film de Sebastian, prend forme aussi dans les interactions et dans les échanges dans le film de Icíar Bollaín. On entend parfois des remarques xénophobes bien que subsistent quelques scènes de partage, notamment celle où les "indiens" apprennent aux "blancs" des mots en quechua. Le film de Sebastian dévoile la violence qu'a subi le peuple quechua à la fin du XVe siècle : en témoigne la scène où Daniel et d'autres "indiens" se font brûler sur une croix. Par ailleurs, dans "También la lluvia", il y a une volonté de confondre les temporalités ; est-ce le film que je regarde ou bien est-ce celui qu'ils sont entrain de tourner ? Ce trouble escompté permet de mettre en avant la brutalité des conquêtes chrétiennes en actualisant les faits. Cela sert notamment à préserver la mémoire historique : la fille de Daniel nous avertit d'ailleurs involontairement du risque de l'oubli : "C'est pas la réalité, mais c'est beau".
D'autre part, un contraste. En effet, le peuple quechua mis en scène dans "También la lluvia" est au coeur d'une lutte sans précédent : celle de l'eau. Ils ont construit un puit sur les hauteurs et creusent une tranchée de sept kilomètre afin de transporter l'eau. Toutefois, ce puit va être fermé par les autorités. Ce drame - "On nous prend l'eau de nos enfants" - engage une mobilisation générale et violente dans le centre ville. Ainsi, le contraste se creuse entre le peuple développé, "blanc", l'équipe de tournage, et le peuple quechua ; le paroxysme de cette opposition constante est à mon sens atteint lorsque Sebastian et son équipe se rendent dans le bureau d'un homme d'état, coupe de champagne à la main, alors que dehors résonne le bruit des balles et de la lutte. D'après l'homme d'état, ce n'est "rien d'inquiétant", ce qui reflète un cruel manque de considération.
Pour terminer, j'aimerais m'arrêter sur le personnage de Daniel Aduviri. Pour cause, il est à cheval entre les deux pans : dès que le tournage du film est terminé (ou même avant qu'il ne le soit), il court rejoindre les autres manifestants pour défendre leur droit à l'eau. Daniel est un personnage profond, virulent, attachant, et généreux : à la fin du film, il offre une petite bouteille d'eau à Costa pour le remercier d'avoir sauvé sa fille ; scène qui m'a profondément touché.

xelopeur
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le 18 juin 2023

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