Pour paraphraser maladroitement un célèbre empereur japonais capitulant, il faut parfois se résoudre à "expliquer l'inacceptable" et à rendre des comptes sur un ressenti que l'on peine à argumenter.
Rester de marbre lorsque s'éteignent les lumières des projecteurs et que prend fin l'épopée tragique de Grace Pudel devant les pupilles embuées de contemporains subjugués semble difficile à justifier. Surtout après avoir éprouvé de la curiosité d'abord à la découverte de l'univers surchargé de la jeune femme, que l'on investit par le prisme de l'agonie de sa vieille amie.
Dévoilé sous forme de Flashback, l'itinéraire de Grace prend rapidement la forme d'un sentier tortueux. De sa naissance prématurée et funèbre (la maman ne survit pas en donnant naissance à Grace et à son jumeau Gilbert), en passant par une enfance perturbée par la maladie, le harcèlement, le handicap de son papa (ancien artiste de rue parisien), les premières années de la jeune fille sont pourtant de tendres années, construites à l'intérieur d'un univers rassurant, entre un père pour lequel elle éprouve une immense tendresse, une frère plus hardi, protecteur qu'elle chérit par dessus tout et ses escargots, notamment Sylvia à qui elle conte ses souvenirs.
Dès l'ouverture, la destinée de Grace attendrit, le personnage de pâte à modeler prends corps dans une touchante innocence, à peine brisée
par la séparation d'avec Gilbert, à la mort de leur père
Pourtant peu à peu, "Mémoires d'un escargot, même si évidemment le récit évolue, s'inscrit dans la répétition de situations à la trame similaire, marquées toujours par une fatalité contre laquelle il faut lutter. L'humour décalé qui accompagnait délicieusement la première partie devient également un procédé un peu forcé, comme pour éviter au métrage de sombrer dans la tragédie hugolienne la plus sombre , ce qu' Adam Elliot ne réussit qu'à moitié
tant la situation du frère dans sa famille d'accueil peut faire songer au poème "Mélancholia" du grand dramaturge
Et c'est probablement ces répétions de "stratagèmes", accompagnées d'une image très soignée, mais un peu monocorde dans sa colorimétrie aux tons froids, qui justifieront pour certains la distance prise progressivement et le manque d'émotions ressentis devant le second long métrage d'Adam Elliot, au moins dans ses deuxièmes et troisièmes actes qui font l'effet d'une spirale infinie.