Corée du Sud. Dans un contexte politique trouble, un tueur en série profite de l'agitation ambiante pour sévir en toute impunité, au nez et à la barbe d'une police locale particulièrement incompétente.
Le commissariat rural est rapidement gagné par l'inspecteur Seo, fraîchement débarqué de Séoul, afin d'apporter toute la rigueur nécessaire à la résolution de l'affaire.
Portrait d'une époque marquée par de profonds bouleversements (par la modernisation et l'ouverture sur la culture américaine), la contestation populaire naissante, la répression policière et la peur d'une agression extérieure imminente, le film dépeint l'impuissance des hommes face à l'émergence d'un nouveau genre de monstre.
Il met en scène la lente descente aux enfers des inspecteurs Park, régional de l'étape, policier intuitif brutal et arriéré d'une médiocrité absolue et Seo, le rat des villes, brillant citadin tout juste issu du cursus universitaire.
Si le tout démarre sur une tonalité plutôt légère laissant la part belle à l'humour caractéristique du cinéma de Bong Joon-Ho, c'est pour mieux s'embourber dans une noirceur implacable au fil des meurtres.
Cette obsession lancinante transforme rapidement cette bourgade paisible en véritable poudrière, à mesure que les cadavres s'entassent et les bavures s'accumulent.
L'impuissance des protagonistes devient alors une source de changement profond pour les deux personnages qui adoptent une trajectoire radicalement opposée.
D'un côté Park paie le prix de ses erreurs, prenant enfin conscience des conséquences de ses méthodes abusives et irresponsables, se rapprochant progressivement de l'idéal qu'incarnait Seo, alors que ce nouveau collègue et rival sombre peu à peu dans la frustration et la violence, achevant son étouffante mutation dans la scène emblématique du tunnel ferroviaire.
Memories of Murder n'est pas qu'un film policier ancré dans une époque charnière, c'est avant tout un film sur l'échec, abordant d'abord sa dimension pédagogique pour mieux enchaîner sur son caractère aliénant et destructeur.
L'épilogue, une apparente respiration sous forme d'une ellipse de douze ans, s'achève finalement en une véritable chape de plomb, sur le regard désespéré de Song Kang-Ho, adressé directement au meurtrier que son alter ego n'est jamais parvenu à arrêter.
Qu'importe la distance qu'il essaira d'intercaler entre lui et son ancienne vie, le souvenir de ces meurtres le hantera à jamais. L'auteur de ces crimes abjects restera impuni.