En 1986, deux inspecteurs de police, l’un de la campagne (Park Doo-man), l'autre de Séoul (Seo Tae-yoon), aux méthodes radicalement opposées, vont devoir mettre leurs forces en commun afin de piéger un terrible violeur et tueur en série. Les soupçons de chacun vont alors se déplacer d'un suspect à un autre, au rythme lancinant des assassinats barbares du mystérieux tueur.
Le film est basé sur l’histoire vraie des premiers meurtres en série de l’histoire de la Corée, qui ont eu lieu entre 1986 et 1991 à Hwaseong.
Memories of Murder est le deuxième film de Bong Jooo-ho après Barking Dog et son premier grand succès critique. Inspiré par Seven de David Fincher (qui lui-même s’inspirera de ce film pour son Zodiac), Bong nous livre ici un surprenant Thriller macabre mais subitement accompagné d’un humour absurde et d’une bonne dose de drame.
Encore plutôt méconnu à l’époque, c’est ce film (avec Old-Boy de Park Chan-wook, prix de la mise en scène à Cannes la même année) qui fera découvrir le cinéma coréen en Occident.
Dans la catégorie polar, j’ai rarement vu quelque chose d’aussi splendide. Que dire ? Les personnages sont exceptionnels… Le trio d’enquêteurs est d'un charisme fou, d'une humanité saisissante. Leurs caractères très contrastés donnent lieu à un tas de péripéties. De passages d'action jouissifs au dialogue comique (vraiment marrant), de la débilité à la sensibilité… Un tas de genres admirablement maitrisés sont passés en revue par Bong Joon-ho qui réalise un film d'une grande ampleur.
Un point particulièrement intéressant du récit est la façon dont la personnalité des deux détectives principaux diverge, notamment dans leurs techniques d'interrogatoire. Park Doo-Man est beaucoup plus bourru, plus brute. Sa méthode est simple, frapper et poser les questions ensuite. A côté nous avons Seo Tae-yoon, un inspecteur arrivé de Séoul pour lui porter main forte, qui laisse de côté l’aspect humain. Son gimmick étant que les seuls les preuves sont vraies et qu’elles ne mentent jamais. Il ne se préoccupe de rien d’autre.
Mais lorsque l'enquête avance et que les choses commencent à devenir intéressantes, Doo-man et Tae-yoon, amorcent un changement de principes. Doo-Man se décider à donner plus de crédit aux preuves scientifiques plutôt que de forcer des aveux, alors que Tae-yoon est de plus en plus frustré par le manque de progrès général, et décide de prendre l'affaire en main. Les deux personnages principaux procèdent à un lent et subtil changement d'éthique. Qui a raison ? Faut-il se fier aveuglément à la science ou alors se reposer sur son instinct en oubliant la morale ? La réponse se situe certainement quelque part entre les deux.
La trame, fleurit et passionne à travers le regard de ces inspecteurs débordés, pour donner au final un suspense spectaculaire. Le récit est constamment rythmé par une bande-son gracieuse et très efficace, ainsi que par des plans d'une beauté rare. Si vous aimez la contemplation, foncez, puisque vous aurez droit à des couleurs et des paysages magnifiques. On visite une multitude d’endroits, des champs, des mines, des bureaux… tous sublimement mis en valeurs. La lumière et les ambiances changent constamment. De la morosité de la pluie, à la lumière éclatante du soleil, en passant par la nuit inquiétante.
Je ne parlerais même pas du plan final qui est à la fois magistrale mais aussi totalement glaçant.
Nous voilà face à l’un des meilleurs films coréen et l’un des meilleurs thrillers de tous les temps, qui a marqué son époque, à l’image de son tunnel qui hantera les deux policiers.