Alex Garland semble être tombé dans son propre piège avec ce Men. Après un Annihilation qui n'était pas sans intérêt, son dernier film reste dans une atmosphère similaire. Même si le pitch de base semble évoquer une histoire, ce n'est pas le but recherché par le réalisateur. Ce qui n'est pas un souci en soi, un film peut être très bon sans avoir de ligne scénaristique précise. Mais là où il se plante à mon sens, c'est dans sa mise en scène lourdingue.
Men est lourd. Il est lourd car il adopte tout ce qui se fait de plus banal en mise en scène quand on adopte ce genre de situation : avec une femme qui cherche à se séparer du monde pour mieux supporter un deuil difficile. Que ça soit les plans d'elle qui se balade, qui rit, mélangé à de la musique presque omniprésente pour appuyer le ressenti (car finalement, les scènes d'innocence pourraient être belles, le symbole d'une enfance retrouvée après un drame tragique, mais tout est poussé à fond avec la musique, les ralentis..) Les flashbacks très étrangement placés dans le montage, très explicites. Mais aussi les scènes d'apparition de cette silhouette mystique, très prévisible et manquant cruellement de surprise et d'enjeu. Et il appuie tellement dans ces effets que cela devient juste beaucoup trop long et répétitif. A force d'en faire trop dans ces éléments de mise en scène, le film devient lourd et pataud car il ne s'appuie sur rien d'autre que cela. Il n'y a jamais de scènes qui nous montrent un semblant de réel, qui nous fait comprendre l'état du personnage, qui nous procurent une certaine empathie, tout transpire un peu la prétention.
On sent trop qu'il était fier, le Garland, de faire des flashbacks tout en orange, des ralentis de pommes qui tombent, des effets de disparition pendant que des lumières clignotent. Cette prétention est à son apogée dans cette fin absolument dégueulasse, plein de VFX puants beaucoup trop fake, certes jamais vu, mais complètement injustifiée dans le propos. Il nous montre l'effet trois fois de suite, en restant toujours plus longtemps à filmer les transformations, je ne vois que de la prétention, on ne nous montre rien. Je le sens en permanence trop content de faire un truc "original" et "jamais vu". Mais je ne vois pas de films, ni d'ambiances dans tout ça. Et derrière cette scène macabre, tout transpire le cahier des charges répété maintes et maintes fois dans le film d'horreur. Puis la finalité de cette avalanche de sang est très prévisible. On comprend vite comment ça va se terminer.
La seule scène qui m'a marqué et qui m'a fait ressentir la pression que pouvait avoir la jeune femme, est en réalité une scène toute simple dans un bar, avec tous ces personnages masculins au même visage faisant comme si tout était normal. Là, il y avait quelque chose d'intéressant : le parallèle qui est fait entre l'absurdité fantastique du moment et la discussion lambda, créent une étrange sensation. D'autant plus que les hommes n'écoutent pas et dénigrent le personnage de Harper, qui se retrouve seule contre tous ces hommes qui la fixent. Là, la scène est efficace car elle profite d'un moment assez quotidien dans un bar, pour accentuer cette fameuse masculinité oppressive qui prend toute la place, ce qui semblait être le sujet principal du film selon le réalisateur.
Mais là aussi, je ne vois pas où il veut en venir tant son film est brouillon, et vacille entre le drame avec l'histoire de son passé, qui restera très en surface, le fantastique morbide où quelques petites idées de mise en scènes seront développées mais sans profondeur (les scènes avec le prêtre sont à chaque fois intéressantes mais jamais exploitées et finissent en eau de boudin) et l'épouvante, qui ne fait d'ailleurs jamais peur. Les dialogues sont extrêmement classiques et n'apportent pas grand chose non plus au propos de base. Où se trouve la dénonciation de cette masculinité toxique ? Tout reste ambigu, ce qui n'est pas une mauvaise chose du tout, mais elle l'est quand on sent le film être incapable de nous poser des questions métaphysiques (ce qui devait être, je pense, l'ultime volonté du réalisateur.)
Je ne sais pas où a voulu en venir Alex Garland, mais j'ai eu plus l'impression de voir un effet de style de cas d'école prétentieux, plutôt qu'une proposition de cinéma.