Danish fried chicken
De tout temps, lorsque l’on parle Danemark, on pense grandes blondes. Une fois la douce silhouette de Caroline Wozniacki estompée, il nous vient à l’esprit le cinéma. Ce cinéma noir, provocant,...
le 29 mai 2016
20 j'aime
2
Partant du réalisme le plus strict, avec deux hommes assistant à la mort de leur père dans une chambre d'hôpital, "Men and Chicken" va dériver jusqu'au fantastique le plus débridé, en une sorte de dérapage savamment contrôlé, nous faisant glisser de situations de plus en plus loufoques à des épisodes de plus en plus délirants, nous préparant à l'improbable fin.
La disparition liminale étant, comme parfois, accompagnée de dévoilements, les deux frères vont se retrouver projetés dans la recherche de leur père biologique, presque centenaire, celui qu'ils avaient considéré comme tel leur ayant révélé, post mortem, qu'il ne leur avait transmis, en réalité, que son nom. Cette quête les conduira droit dans une île danoise d'où toute vie semble s'être peu à peu retirée, longue terre plate dont les deux parties ne sont reliées que par un isthme ombilical. Lieu à la fois originaire et ultime, constamment menacé d'un anéantissement progressif qui tétanise le maire de la localité et le dispose à toutes les compromissions. Lieu où les interdits relèvent d'une logique passablement kafkaïenne et où le duo fraternel va progresser de découverte en découverte, la toute première d'entre elles consistant en la rencontre plutôt frontale d'une fratrie insoupçonnée.
La performance de Mads Mikkelsen est à souligner, tant il pousse loin l'autodérision, affublé d'un bec de lièvre, d'un nez et d'une chevelure retouchés, et d'une armée de tics qui le propulsent, corps raide et démarche spasmodique, vers les "filles" à la recherche desquelles il sera tout au long du film, ne s'interrompant que pour s'adonner à des masturbations aussi compulsives que régulières.
La figuration d'une folie familiale, décuplée par le fait que la petite troupe de grands enfants sauvages ait crû en meute, tient du génie. On regrette seulement que les dernières minutes du film apportent à tout ce délire créatif une explication qui, pour tenir du fantastique, n'en introduit pas moins une forme de rationalisation qui vient limiter et contenir le jaillissement imprévisible auquel on assistait jusqu'alors. En revanche, le jeu des acteurs achève de prendre sens et on ne l'apprécie alors que davantage.
Si bien que l'on ressort ravi et transporté de la projection, souriant ou riant encore longtemps, lorsque reviennent à l'esprit certains détails, désopilants à force d'être décalés, du plus belge des films danois.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Films où il est question de la paternité, frontalement ou latéralement.
Créée
le 5 mai 2016
Critique lue 1.2K fois
14 j'aime
6 commentaires
D'autres avis sur Men & Chicken
De tout temps, lorsque l’on parle Danemark, on pense grandes blondes. Une fois la douce silhouette de Caroline Wozniacki estompée, il nous vient à l’esprit le cinéma. Ce cinéma noir, provocant,...
le 29 mai 2016
20 j'aime
2
Partant du réalisme le plus strict, avec deux hommes assistant à la mort de leur père dans une chambre d'hôpital, "Men and Chicken" va dériver jusqu'au fantastique le plus débridé, en une sorte de...
le 5 mai 2016
14 j'aime
6
Anders Thomas Jensen ne fait décidémment rien comme les autres. Et c'est bien normal pour quelqu'un qui s'intéresse autant à tout ce qui ne l'est pas. Dans son premier film, il parle de gangsters,...
Par
le 7 sept. 2016
10 j'aime
Du même critique
Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...
le 17 août 2017
80 j'aime
33
Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...
le 14 nov. 2019
74 j'aime
21
Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...
le 26 août 2019
71 j'aime
3