Anders Thomas Jensen ne fait décidémment rien comme les autres. Et c'est bien normal pour quelqu'un qui s'intéresse autant à tout ce qui ne l'est pas. Dans son premier film, il parle de gangsters, faisant forcément partie de la marge de la société, décidant de se reconvertir dans la restauration. Il pousse le trait un peu plus loin encore avec les bouchers verts, et sans doute encore plus loin avec Adam's Apples: où la rédemption d'un néo-nazi passera par une mission, confiée par un prêtre dont la conviction en la bonté de l'homme confine à la folie, qui consiste à confectionner une tarte au pomme.
Dans chacun de ses films, les personnages deviennent de plus en plus noirs, fous, bref, se transforment en freaks que n'aurait pas renié Tod Browning.


Pas étonnant donc que son Men & Chicken aille encore un peu plus loin dans ce monstrueux freak show qu'est l'humanité. Pourtant, Jensen n'en profite pas pour se moquer de ses personnages, ou se placer comme leur supérieur moral. Il se met à leur niveau, épouse leur point de vue, et au final fait montre d'une empathie pour ses anti-héros qui les rends touchants jusque dans leur moments les plus horribles ou ridicules. Men & Chicken parle d'une famille de dégénéré, en dévoilant leur part d'animalité, mais surtout la brillante humanité qui irradie de ses personnages. C'est tellement facile de montrer le beau avec des bonnes personnes aux imperfections légères et si ressemblantes aux nôtres. Mais montrer le beau et le bon à travers le laid, voire le répugnant, à travers une forme de monstruosité, qu'elle soit physique ou psychologique; pousser le spectateur à l'identification avec des hommes que l'on croyait monstrueux jusqu'à lors, et faire en sorte qu'on les aime malgré leurs tares ça demande une sacré dose de talent; et Anders Thomas Jensen n'en manque pas.


Bien sûr, ce film est une réussite grâce au talent du scénariste/réalisateur, mais aussi, et surtout grâce à ses interprètes. Mads Mikkelsen y est magnifique, mais sait laisser de la place à ses compères à l'écran, tous d'une immense justesse en restant sur le fil entre l'atroce et le magnifique, le burlesque et le drame, le vulgaire et le poétique dans un numéro d'équilibriste parfaitement maitrisé.


Par moment, le nouveau film du réalisateur danois est drôle, mais ce n'est pas ce qui le caractérise le mieux. Ce qui le caractérise véritablement, c'est ce manque de concession. Cette beauté des rébus et des difformités qu'il laisse à voir. A travers cette fable absurde, il semble nous dire: "oui, les hommes sont en partie des animaux, ils sont parfois répugnants, et horribles, et ridicules, et absurdes dans leurs peurs, leurs désirs, leurs règles, et leurs rêves, mais je ne peux m'empêcher de les aimer.

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le 7 sept. 2016

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Samu-L

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