Je ne connaissais pas Kirsanoff avant de voir ce film et je ne savais pas à quoi m'attendre et il faut dire que je suis assez épaté. En fait j'avais a priori un peu peur de tomber sur un film, certes brillant techniquement, mais qui ne raconte rien de particulier (c'est pour ça que l'homme à la caméra de Vertov est le Vertov que j'aime le moins par exemple). Et ça n'est absolument pas le cas.
Non seulement il y a une histoire, mais en plus elle est simple, très bien racontée et ceci sans utiliser d'intertitres. On accède alors à un film extrêmement fluide et rythmé. Il l'est d'autant plus que tout va très vite, que ça soit au niveau du montage ou des mouvements de caméra. Et malgré ce dynamisme, le film arrive à se poser, à filmer cette actrice magnifique, à nous montrer ce qu'elle ressent, à nous montrer son regard à la fois plein de désir, de fierté et d'un peu de crainte. Tout ça sans un mot, juste avec des gros plans, jamais intrusifs ou gênants.
J'ai l'impression que le cinéma muet, que ça soit chez Griffith ou Dreyer par exemple, ose beaucoup plus ces plans fixes frontaux sur de belles jeunes femmes dont le visage, expressif, sans trop en faire non plus, racontent mille et une choses.
Et c'est ce que j'ai aimé ici, cette capacité, outre les trouvailles visuelles, à raconter quelque chose de simple, d'assez premier degré pour être émouvant (et intéressant), en se servant de toutes les idées de montage, de mise en scène. Donc forcément c'est vraiment bien, il n'y a rien de superflus, et on a là un beau film.