Banal mais pas trop

Après La Chute du Faucon Noir en 2001, et Kingdom of Heaven en 2005, Ridley Scott montre qu'il est réellement inspiré par les conflits du Moyen-Orient puisqu'il récidive en 2008 avec Mensonges d'Etat, avec Leonardo diCaprio et un Russell Crowe grossi dans les rôles principaux. On retrouve d'ailleurs une nouvelle fois le scénariste William Monahan à l'écriture du film, scénariste déjà à l'origine du scénario de Kingdom of Heaven. Cependant, on se rend rapidement compte que cette fois-ci Scott ne compte ni prendre un conflit similaire mais ailleurs géographiquement comme exemple, ni prendre un recul historique pour proposer son point de vue sur le problème irakien: Mensonges d'Etat, en tant que thriller et film d'espionnage, nous plonge directement au Moyen-Orient, dans la peau d'un espion qui y habite et s'est fondu dans la masse.
Comme film d'espionnage, le film ressemble malheureusement à beaucoup d'autres: par son intrigue déjà, puis par son scénario et son dénouement. Le film a d'ailleurs beaucoup de mal à se créer sa propre identité, et il faut bien attendre une petite heure pour qu'un petit quelque chose se dégage. Non pas qu'il n'y ait pas d'action; non, l'action est parfaitement dosée. Mais je pense que l'on a tellement vu ce genre de films que tout film d'espionnage doit passer par là aujourd'hui (sauf peut-être les James Bond). Heureusement, il y a également la manière de filmer les personnages, et leur caractère: c'est ce qui fait la force de Scott dans ces films-là. Ne pas montrer de purs américains patriotiques qui sont fiers de se sacrifier pour leur patrie en allant tirer des arabes, mais plutôt décortiquer l'engrenage complexe de la hiérarchie des organismes que sont la CIA ou le Pentagone, ici la difficulté des relations entre les bureaucrates de la CIA (incarnés par le personnage de Russell Crowe) et l'homme de terrain (Leonardo diCaprio).
Ainsi, Scott nous sert un film un peu plus original, même s'il faut attendre le film pour voir un véritable retournement de situation et un Leonardo vraiment dans son rôle. Pour achever de nous convaincre que le film se démarque des autres films d'espionnage, Mensonges d'Etat pose même un contraste entre le personnage de Russell Crowe, souvent impuissant malgré la force technologique dont il dispose, américain caricaturé à la vie ordinaire, aux 100 kilos et à la vie de famille rangée, et le personnage de Leonardo diCaprio, homme plus terre-à-terre qui prend goût à la culture du Proche-Orient. Si Scott parvient à contrer ainsi toute cette propagande hollywoodienne habituelle sur l'espion américain tout-puissant, la morale de son histoire à lui reste cependant légèrement floue, comme son dénouement qui n'est à mon goût pas assez clair. Mais on ne va pas faire la fine bouche devant un nouveau film relativement complet de Ridley dont les années 2000 auront largement rattrapé la traversée du désert des années 90.