Attention, chef d'oeuvre s'adressant aux amoureux de l'image dans son sens le plus général, entre photographie et peinture.
Alexandre Sokourov est surtout connu pour ses documentaires comme "Sonate pour Hitler", "Elégie", Elégie Moscovite", etc. Ici, il aborde la fiction à la manière d'un peintre génial. Il plante sa caméra dans un lieu isolé, une maison dans laquelle vit un jeune homme et sa mère mourante.
Sans aucun dialogue, Sokourov parvient à montrer le désarroi du fils et l'impuissance de la mère. On le sent désireux a chaque instant de s'enfuir, de quitter cette condition misérable. De son côté, elle semble soucieuse du bien de son enfant mais ne peut physiquement plus s'en passer à cause de son infirmité qui la cloue au sol. Seul un train, qui traverse de temps en temps cette solitude désertique, nous donne la preuve d'une humanité autre que celle de ce couple tragique.
Pour ne pas rendre son tableau misérabiliste, Sokourov réinvente le cinéma. Il peint sur l'objectif même de sa caméra pour transcrire un monde à la fois apocalyptique et sublime. Il travaille chacun des photogrammes de son film en jouant sur la netteté et la profondeur de champs. En utilisant des couleurs pastels, il nous invite à pénétrer son univers comme si nous y étions conviés. Sokourov utilise le Septième Art pour nous sensibiliser sur sa vision personnelle de la fin d'une vie. Ce fils, qui porte sa mère dans ses bras pour la promener, représente une jeunesse perdue, mais forte, refusant la fatalité.
En 1h15 et loin de tout en ennui, le cinéaste donne un nouveau sens esthétique et sensoriel au cinéma. Il allie à merveille un récit simple et fort et une imagerie qui rappelle les oeuvre du peintre allemand Caspar David Friedrich. Une expérience inoubliable et magnifique.