À défaut d’être le plus rayonnant Classique d’animation Disney, Merlin l’Enchanteur m’inspire une affection particulière : certes, son visionnage récent contredit en partie de superbes souvenirs, son étiquette de film mineur et ses défauts transpirants à n’en plus finir, mais force est de constater que celui-ci demeure un puits sans fond de nostalgie enfiévrée.
En guise d’élément prédominant, il conviendrait de décomposer le running gag du Loup, littéralement à mourir de rire : en effet, un savant mélange de chara-design, animations, bruitages et autres péripéties cartoonesques font de ce personnage sans nom une entité bien plus marquante qu’il n’y paraît. Plus subtilement, ce canidé famélique pourrait être carrément perçu comme une métaphore naturelle des temps difficiles que nous dépeint l’introduction du long-métrage, où les pauvres hères que sont les gens du commun n’auraient aucune prise sur la direction des évènements : à juste titre, le Loup se trouvant relégué à un rôle de spectateur invisible aux yeux d’Arthur et Merlin. Pauvre bougre !
Le reste n’est, malheureusement, point aussi remarquable : l’envers éducatif semble meubler plutôt que développer, quand bien même l’apprentissage d’Arthur sous la tutelle de Merlin réserverait de bonnes idées. Il faut dire que la redondance du schéma (par trois fois) et de l’élément perturbateur (chaîne alimentaire, surtout) souligne une écriture en panne d’inspiration, au regard d’une trame générale aussi maigrelette que ce très cher Loup : ce n’est pas le dénouement, réglé et expédié en deux coups de cuiller à pot, qui nous fera dire le contraire.
Plus en amont de cette conclusion légère, l’entrée en scène de Madame Mim tombe cependant à pic, le long-métrage embrassant pleinement sa tangente fantastique au profit d’un duel réussi car créatif. Cette séquence visuellement réussie fait d’ailleurs office d’exception, l’animation de Merlin l’Enchanteur s’avérant décevante dans les grandes lignes ; quant aux musiques, celles-ci ne sont pas déplaisantes mais sûrement pas cultes, matérialisations criantes d’une trame peu captivante - l’écriture minimale des personnages n’y est pas indifférente, bien qu’ils soient tous attachants.
Pour autant, il semble nécessaire de se replonger dans le contexte de la sortie du film, qui lui confère une étiquette de production « miraculée » : c’est sous l’insistance du tenace Bill Peet, ici scénariste, que cette libre adaptation de l’œuvre de Terence Hanbury pu voir le jour, quand bien même Walt Disney fut longtemps réfractaire et que son budget limité furent des obstacles de poids... son enrobage formel correct en témoignant.
En résumé, le film suscite une empathie nostalgique très forte, ceci grâce à son humour anachronique (multiples références de Merlin) et premier degré (le Loup) et quelques séquences marquantes, portées par une ambiance finalement enchanteresse. N’en déplaise à ses nombreux défauts donc, en l’état indissociables de ce foutu charme opérant contre vents et marées.