Suivant le chemin inverse d’Alexander Payne, son récent et excellent Winter Break m’a amené à Merlusse.
Il est indéniable que le cinéaste Américain s’en inspire grandement, en reprenant : la structure du film, sorte de conte de Noël et fable humaniste ; le personnage principal, d’un côté le professeur d’histoire antique, de l’autre le pion, tous les deux seuls, sans famille, de modeste condition, ayant un problème oculaire (borgne / strabisme), hommes droits aux valeurs solides, franchement antipathiques, victimes des moqueries collectives, acariâtres mais au fond au grand cœur; les enfants, jeunes et plus mûrs, abandonnés par des parents peu enviables ; le mélange du familial et du scolaire, avec la figure paternel du référent de l’autorité ; l’intrusion du politique dans le scolaire et l’hypocrisie de l’Homme, à travers le personnage du proviseur et du censeur.
Pour en revenir à Merlusse plus précisément, Pagnol nous prévient d’emblée que le film souffre d’une technique assez limitée, en raison du manque des progrès de l’époque en la matière – ce qui lui permet de se dédouaner de sa propre méconnaissance, ou tout du moins de sa connaissance assez modeste, du genre cinématographique, 3 ans à peine après avoir tourné son premier long-métrage, et 5 ans avant la sortie de La femme du boulanger. L’aspect général du film rappelle le théâtre, avec des dialogues filmés, écrits avec la belle prose provençale de Pagnol. Néanmoins, le film est tourné dans des décors réels (le lycée Thiers de Marseille), ce qui permet à la caméra et au touchant Henri Poupon de déambuler par les cours, les classes et les couloirs, et d’extérioriser le récit ; par ailleurs, la scène du fondu qui établit le parallélisme école / famille (avec la tablée familiale au bout de laquelle se trouve le patriarche et le personnage central du pion le soir du réveillon de Noël) démontre une maîtrise naissante de la technique.
Avec un argument touchant, des interprètes jeunes, naturels et authentiques, Pagnol nous raconte une histoire adorable et humaine pleine de bienfaisante tendresse.