Ce soir dans mon cinéma, se joue un film, Mes frères et moi. Il semble être arrivé ici un peu par hasard, et moi aussi, je l’avoue, ne sais pas à quoi m’attendre quand je m’assois sur le fauteuil rouge. Je n’ai rien lu sur le film, esquivé sa bande annonce, et son affiche, elle, ne m’a pas attiré plus que ça. C’est donc une immersion totale vers l’inconnu qui débute quand la salle se teint en noir.
J’attendais depuis un long moment un film qui me donnerait envie d’écrire à nouveau, le voilà. Alors merci, Yohan Manca. Merci d’avoir proposé une œuvre aussi rafraîchissante, et d’avoir eu le culot de la sortir en plein mois de janvier. Le temps de deux heures, vous avez eu le pouvoir d’inverser les saisons.
Ce premier long métrage dépeint le quotidien d’une fratrie orpheline d’une figure paternelle. La mère, quant à elle, seule flamme qui unit encore ses garçons, est sur le point de s’éteindre, épuisée par la maladie. Lui offrir des soins hospitaliers adaptés représente un sacrifice que la famille ne peut se permettre. Mais par-dessus tout, c’est le choix de la laisser face à la solitude qui effraie ses fils. Hors de question donc d’abandonner la matriarche dans cette famille où la notion d’abandon n’existe pas. Paradoxalement, chacun des quatres enfants a envie de s’enfuir loin du quartier qui les a vus grandir, marqué par la violence et la précarité financière.
Les choix scénaristiques de Manca se révèlent intéressants, tant ils sont à contre-courant de ceux que l’on a l’habitude de voir dans les films du même genre. En choisissant l’espoir, c’est à travers l’art que le réalisateur illustre la possibilité d’un exutoire à l’inlassable répétition de cette vie rythmée par les insultes et les interventions policières. Attention toutefois à ne pas tomber dans la représentation trop stéréotypée de ce quotidien raconté avec sincérité mais inconnu du public, ce que le réalisateur fait une nouvelle fois très bien. Il nous offre alors une fracture intéressante, permise par un humour omniprésent et des dialogues intelligemment écrits. Une partie de football sur la plage ou une part de pizza sur le toit d’un immeuble, et c’est par ses couleurs chaudes et son grain si singulier que le film réussit à convaincre visuellement. L’histoire, quant à elle, est racontée à travers les yeux et la voix d’un enfant aussi fougueux que brillant, apportant avec lui son lot d’attendrissement.
C’est en effet à travers un casting haut en couleur, composé de jeunes espoirs, de récentes révélations et d’interprètes inconnus que le réalisateur donne vie à ses idées. Le premier rôle Maël Rouin Berrandou est plus que convaincant, Dali Benssalah continue d’impressionner. Parler de ce qu’apporte le talent infini de Judith Chemla (et découvrir sa voix magnifique) et de la magie créée par Sofian Khammes reviendrait à prêcher un convaincu. La jeune femme emmène avec elle tout l’univers de l’opéra, et une bande originale qui porte bien son nom, tant elle est audacieusement décalée de son sujet.
Pour un premier film, Mes frères et moi est une véritable réussite, et donne très envie de suivre les prochaines réalisations de son auteur. Seul petit bémol selon moi, le film peine à être conclu, et à trop vouloir faire durer le plaisir, on affecte malheureusement le charme créé au préalable de conserver son efficacité sur toute la durée du film, qui aurait pu s’arrêter un peu plus tôt. À part ça, il est l’heure de courir en salle pour profiter de ce spectacle génial, innovant et plein de finesse. À voir absolument !