En 1993 dans le morceau intitulé L’aimant de l’album Ombres et Matière, Akhenaton du groupe I am constatait avec amertume la difficulté de s’extraire de son quartier, le sentiment d’emprisonnement à son territoire, à ses habitants et à ses comportements – « ce putain de quartier me suit, comme un aimant », se lamentait-il. Or le petit Nour éprouvera malgré lui la même souffrance, tiraillé entre la découverte de l’art lyrique et une fratrie de banlieusards bien typés.
Une impression de temps suspendu souffle sur Mes frères et moi dont l’histoire se déroule l’été, près de la Méditerranée, sans que l’on ne sache vraiment ni où ni quand. La caméra 16 mm, qui filme une banlieue où l’on trouve des Renault 5 sur les parkings et un appartement décoré d’autocollants de foot vintage et du papier peint, rappelle l’enfance d’une autre époque - cependant l’ordinateur et internet viendront brouiller les temporalités. La même incohérence frappe lorsque le petit Nour chante Una furtiva lagrima dans une salle d’un collège de banlieue sous le regard médusé et charmé de la prof de chant alors que dehors des gamins comme lui se coltinent des TIG devant la grotesque surveillance d’un employé de la mairie presque plus cas social qu’eux-mêmes. Pendant ce temps, chez lui, la fratrie ne s’embarrasse pas non plus de nuances, avec des grands frères répondant parfaitement aux clichés des banlieusards, tandis que dans la chambre dort la grave et silencieuse belle au bois dormant qui n’attend qu’un peu de sublime pour se réveiller.
Le scénario, plutôt attendu, va de pair avec les personnages, plutôt stéréotypés – malgré les tentatives aussi maladroites qu'artificielles de Y. Manca pour s’en dégager (p.e. le baiser du grand frère). Demeure ce message sur la force des déterminismes et cette vaine escapade vers le sublime qui n’aboutira qu’à l’inévitable répétition de l’ordinaire.