Rétine et pupille
Dans Mes petites amoureuses Jean Eustache nous raconte une partie de son enfance, comment il a dû abandonner l'école, sa découverte du monde professionnel et surtout son rapport aux filles. Ce qui...
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le 27 mars 2023
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Voir le film
Une mère à sa fille : "Je vois que tu es en train de devenir une femme et le temps est venu pour moi de te conseiller la méfiance vis à vis des garçons qui vont t'attirer de plus en plus : l'un d'eux va t'entourer de gentillesses, te faire des compliments, puis devenir de plus en plus entreprenant en te faisant des câlins, puis en t'embrassant, et quand tu n'auras plus de défense, il va te sauter dessus et te déshonorer..."
Et la nubile d'avouer quelques temps plus tard : " Heureusement que tu m'avais prévenue maman ! Ca s'est passé exactement comme tu me l'avais prédit ! Un garçon bien m'a entourée de plus en plus, complimenté (....)
Mais quand il n'a plus eu de défense, c'est moi qui lui ai sauté dessus et déshonoré...."
(...)
Jean Eustache (1938- 1981) avait trente-six ans quand il a réalisé ce film décrivant le climat des relations amoureuses de l'époque...
C'est important de le souligner, car il a vécu une adolescence que seuls les enfants nés du "baby-boom" ont pu connaître, et témoigne de l'environnement socio-économique et patrimonial, de cette époque de renaissance...
(Baby-boom : ainsi a été appelée la génération d' enfants nés pendant la seconde guerre mondiale 1939/ 1945, ou après... )
La nature ayant horreur du vide, cette génération spontanée essayait de contrebalancer les myriades d' humains tués lors de l'envahissement de l'Europe par les nazis d'Hitler, lequel haïssait les juifs et voulait en exterminer la race.)
Les baby-boomers se caractérisaient (réflexe ?) par leur envie de refaire le monde, entraient dans la vie active rapidement, fondaient une famille très vite et procréaient, profitant des avancées techniques considérables dues, paradoxalement, à la guerre. Comme la Radio à lampes appelée TSF, entre autres...
Leur éducation en France était surtout de nature judéo-chrétienne, très nettement moins libérale que de nos jours... Surtout pour les gamines...
Les écoles n'étaient pas mixtes, et les enfants uniques n'avaient que peu d'expérience de la psychologie de l'autre sexe.
Sinon que "l'homme-roi" devait être respecté en tant que chef de famille, et était chargé d'assurer habitat et nourriture de celle-ci...
Son épouse se consacrait au ménage et à l'éducation des enfants...
Peu de femmes gagnaient alors un salaire mais comme ici, faisaient de petits travaux de coutures ou autres, à domicile, pour apporter un complément de revenus à un budget modeste correspondant à des besoins plus parcimonieux... On ne vivait pas par et pour l'argent...
Epoque où Les "filles-mères" étaient complètement déconsidérées, leur progéniture aussi.
Souvent, comme dans le film, les enfants réputés "bâtards" étaient confiés à la grand-mère, avant d'être repris par la maman si elle retrouvait une vie de couple.
Les femmes mariées s'en méfiaient car elles étaient une proie facile pour leur époux et la concurrence faisait rage !
Une jeune fille non indépendante financièrement, et sans espoir de le devenir, avait donc tendance à vouloir se "caser" rapidement, c'est à dire se marier avec un "bon parti"... C'est à dire un homme l'entretenant, lui faisant des enfants, et lui assurant gîte et nourriture...
Cette recherche était ardue si elle n'était plus vierge, ses sens sexuels naturels ayant été plus forts que sa résignation à protéger son hymen !
Elle était alors montrée du doigt par les mères n'en voulant plus pour leur fils et qui les considéraient comme des "Marie, couche-toi là !"
Les tentatives amoureuses des garçons étaient donc très limitées, balisées...
Ils tentaient leur chance en se limitant donc à des manœuvres d'approche, d'effleurements corporels, au mieux d'étreintes et embrassades interminables, ce dès que l'occasion s'en présentait...
Le flirt très poussé et les galipettes étaient refusés par les filles sérieuses s'il n'y avait pas d'intention maritales comme l'explique très bien la mignonne et conquise Anne Stroka, superbe de beauté et d'innocence, et qui ressemble physiquement à Adèle Haennel.
Le cinéma ne nous la jamais remontrée ensuite, malgré mes recherches...
Plus revu non plus Daniel c'est à dire Martin Loeb dont la sœur Caroline figure aussi au générique et deviendra la star du tube "C'est la ouate" qu'elle préfère... Plus audacieuse que dans ce film.
Jean Eustache, lui aura fait deux tentatives de suicide, la seconde lui ayant été fatale...
Il était marié à une femme exerçant aux "Cahiers du Cinéma", ce qui lui en avait ouvert les portes. ... Peut-être aussi permis la participation comme acteur de Maurice Pialat dans une scène qui semble avoir été rajoutée pour des besoins de notoriété, car bien inutile à l'histoire...
Dommage, Eustache proche de la tendance infecte "Nouvelle Vague" (devenue étale) que je déteste, pourrit son film qui aurait pu être tragique, touchant s'il n'était frappé de psycho-rigidité façon Godard....
Tout au long de ce film qui n'en est pas un mais plutôt une biographie d'Eustache, j'ai été tenté de crier "Et la tendresse, bordel !"
Car il n'y en a aucune : les contacts entre les personnages sont froids, lointains, vulgaires, rigides, comme robotisés... Daniel à la démarche d'un automate ne dit jamais bonjour ni au-revoir à quiconque, pas d'avantafe "merci", même quant il est apprenti dans un magasin de réparation de cycles... Ses mains ne sont du reste pas celles d'un vrai mécano, et on ne le verra pas souvent dans l'atelier... Script étonnant... comme décousu mais les images ne sont pas désagréables.
Dans un des plans, un riche possédant une moto lui demande ce qu'il fait dans la vie à la terrasse d'un bistrot avant de conclure :
: "Comme il y aura de plus en plus de riches comme moi qui dépenseront de plus en plus d'argent pour acheter des motos et voitures, il faudra de plus en plus de mécaniciens comme toi pour les réparer : tu auras donc un avenir assuré !"
Je vous épargne les autres fariboles propres à ce cinéma d'un autre temps, comme ses dialogues récités, ahanés d'une manière atone et impersonnelle, se terminant toujours en oraison funèbre.
Je me demande si elles ont été traduites en langue étrangère ?
Cette biographie est lugubre, glaciale, interminable et entraîne plus un phénomène de rejet que de la compassion.
Seule la timidité des ados de cette époque aurait pu être amusante...
On en est loin...
Le climat sur le plateau ne devait pas être des plus gais non plus : Eustache avait la réputation de terroriser ses acteurs parmi lesquels on ne trouve aucun professionnel !
Poigne d'acier qui se ressent dans l'étrange ambiance d'évolution des acteurs comme tétanisés ! Eustache exigeait que son texte soit connu par cœur, et à la virgule près...
Aucune initiative ou écart de mots n'était tolérés, ce d'autant qu'il n'y avait souvent qu'une seule prise de vues...
Le film est censé se dérouler à Pessac, mais en réalité c'est à Varzy dans la Nièvre qu'il a été tourné, la commune ayant un aspect devenu banlieue bordelaise.
Un temps cheminot, Eustache nous montre aussi la gare de Narbonne rebaptisée Carcassonne, et celle de Limoges Bénédictins...
Ainsi que le compartiment fermé d'un train dont le fait de comporter des rideaux permettait aux jeunes couples de s'isoler du monde extérieur pour des caresses préalables prometteuses de plus si entente ?...
On se demande aussi pourquoi ces carillons, et ce générique d'entrée de Trénet ?
Lequel et ses comparses allaient être balayés par la vague yéyé lancée par la jeunesse des sixties... Beaucoup de chanteurs d'avant guerre furent alors relégués aux clubs de troisième âge et résidences pour personnes âgées...
On peut s'étonner que ce film du Losange ait été remastérisé et restauré : il n'aura attiré que
123 193 spectateurs...
Dont peut être des amoureux auront bénéficié de la complicité nocturne et n'ayant rien vu de l'histoire ?
Ce film a été dédié à Odette et Louis Robert. Odette était la grand-mère du réalisateur qui lui a consacré un documentaire.
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Arte le 09.01.2025-
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Créée
le 11 janv. 2025
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