Lui a la quarantaine grisonnante, assez sûr de lui, assez beau gosse (James Thierrée, tranquille), elle a les cheveux en bataille, nature et furieuse, une vraie pile (Sara Forestier, resplendissante). Ils ont failli coucher ensemble l’autre fois, et là ils sont prêts à le faire. Là ils sont prêts à s’aimer, mais ça ne va pas être simple pour autant, pas du tout même. Plutôt que de se le dire franchement et d’avouer leurs sentiments, les voilà qui se cherchent des poux et préfèrent se mettre sur la gueule. Se battre. En découdre. L’amour c’est comme de la glaise, c’est comme du torchis, ça se travaille sévère avec les mains. C’est con, mais on aurait préféré que le film ne soit que ça, des séances de lutte où ils s’asticotent et se tabassent et s’aiment sans se déclarer.

On préfère quand ils soufflent, quand ils souffrent, quand ils râlent, quand ils soupirent, quand ils crient, quand ils s’étreignent, quand ils se tapent, quand ils se mélangent… Quand ils se taisent quoi. Faire genre dans le radical, tenter un truc super tendu, limite expérimental, et ne pas faire encore du Doillon avec des "Je t’aime moi non plus" à la pelle. Il est indécrottable, ce Jacques. Il avait le matériau pour, mais il ne peut pas s’empêcher de discourir sur les jeux de l’amour et du hasard, tout le temps. Parce que les longs dialogues bavards sur les émois et moi et moi et moi, et le fait de tout vouloir expliciter ou analyser (un père défunt, un piano en héritage…), c’est un peu lourd.

Ça blablate grave quand on voudrait que ça s’empoigne à chaque plan, que ça s’imbrique à chaque seconde. Certes, c’est bien écrit et c’est bien dit (forcément, on est chez Doillon), mais on s’en fout un peu à la longue. Nous ce qu’on veut, c’est du charnel, c’est du physique. On veut du cul (l’affiche promettait ça). On veut du pur et dur sans paroles comme dans la dernière demi-heure, splendide enfin (avec, en apothéose, l’étreinte forte dans la boue d’une rivière). Pas pour l’excitation ou le côté voyeur (y’a Internet pour ça), mais parce que là ça vibre, ça pulse. Et puis parce que c’est plus impressionnant quand il y a ecchymoses et égratignures laissées sur la peau en vrac, labourée comme un champs de bataille. Et finir sur le parquet, enlacés et éreintés, amoureux enfin ?
mymp
5
Écrit par

Créée

le 9 déc. 2013

Critique lue 986 fois

10 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 986 fois

10

D'autres avis sur Mes séances de lutte

Mes séances de lutte
cygnenoir
9

L'amour est un sport de combat

Il t'oblige à te rouler dans la boue, à te foutre du sable partout, à te taper la tête contre les murs. Il est question de ceinture, de tapis, d'escalier, de banc. Des objets qui ne remplissent pas...

le 29 nov. 2013

10 j'aime

Mes séances de lutte
FPBdL
6

C'est quoi ce truc ?!

Au départ, tu crois regarder du cinéma expérimental. Caméra à l'épaule, images simples cadrées comme celles de pépé à Noël, intimistes, et scénario bizarroïde qu'on peut facilement situer entre -...

le 4 avr. 2014

9 j'aime

1

Mes séances de lutte
LiLiLux
7

Reste les corps. Tendus. Bandés. Nus. Douloureux. Sublimes. Abimés.

La bande annonce m'avait séduite. sans un mot, juste des corps, parfois nus, qui luttent. Le film est plus bavard. Beaucoup plus. La justesse des dialogues nous aide à passer outre. Parfois long, on...

le 26 nov. 2013

5 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25