La première caractéristique de ce film, c'est qu'il est diablement intéressant.
On a tout d'abord la diaspora d'une famille paysanne vers la ville à cause - cette famille n'est pas la meilleure en originalité, nous le reverrons - d'un manque d'argent. Nous avons alors le droit à tout: les regards émerveillés et les sourires naïfs à chaque buildings ou voitures qui pour des gens de la campagne sont tout simplement fous. L'exemple le plus parlant est quand la fille du héros demande à son papa si c'est ici qu'elle va aller une fois morte en désignant un hôtel de luxe, paré de fontaines, de lumières, d'eau jaillissante... Alors, certes, je vais peut-être un peu loin, mais moi ça m'évoque la révolution industrielle au XVIII-XIXè, l'enfermement des masses ouvrières qui quittent la campagne pour aller en ville en découvrant un nouveau mode de vie etc... Oui, les philippines ont fait leur RI depuis longtemps, mais les campagnes sont probablement touchées à 0.001% par le progrès (cf. le mec qui répare 16543545 fois son camion parce que les hommes de la campagne ils savent tout faire et que la qualité d'avant c'était tout de même autre chose non mais des fois). Au moment du film, j'ai donc été super intéressé par la découverte de la ville moderne par un individu méconnaissant complètement ce milieu.
Ensuite, on a le monde de la ville moderne d'un pays du sud qui est très bien cerné. Et ça, c'est pas si courant que ça dans un film. Au contraire on a trop souvent tendances à montrer les trucs riches, les trucs hyper pauvres et c'est bon micheline le boulot est accompli. Ici, c'est une mentalité différente. On voit les INCOHERENCES d'une ville du Sud moderne (ca me touche parce que je vis à Rosario en ce moment - Argentine - et que je vois ces choses-là). Tout est mixé ensemble, pauvres riches, chiens errants, slums/bidonvilles/favelas, bâtiments de luxe, spot publicitaires, campagnes électorales, tout est un putain de maelstrom sans trop d'ordre ni de règles. Là où ils ont chié c'est que le héros trouve en 1 jour son chemin partout dans la ville sans problème (pour info manille c'est 2M d'habitants et la banlieue 19M donc bon). Sans cette erreur, on peut apprécier le job accompli d'une retranscriptions crédible de l'entourage des faits, comme au théâtre. La mise en scène est bonne, le pourquoi de la diaspora, la diaspora, arrivée à la ville, boum, jusque-là c'est niquel.
Et là, c'est le drame. On va assister au Candide moderne. Premièrement, le mec se fait niquer 1200 pesos (aucune idée de ce que ca représente mais entre rien et 1200 pesos on va considérer la différence comme étant remarquable) dans une arnaque de location d'appart. Compréhensible jusque-là, pour quelqu'un qui vient d'arriver, il est facile de tomber dans le piège d'une arnaque. Lâcher toute ta thune sans contrat, sans rien, à 2 mecs dont tu connais même pas le nom, là c'est être débile. Tout le film se déroulera avec ce même sentiment dans nos têtes à propos du héros: "mec, lâche-toi". Ca vaut aussi pour la famille. Et que je cherche un emploi mais c'est payé en bouffe, et que je cherche un autre emploi de convoyeur de fonds privés où miracle tout le monde est hyper sympa avec moi mais me demande toutes les 2 secondes si je suis prêt à tout pour les défendre, et que je me rende compte que mon supérieur est une semi-enflure (pour être honnête c'est un personnage plus ou moins raté, si sa mentalité est bien perçue, il possède une pancarte de 4Km² avec marqué "tu vas servir à me faire de la thune"), et que je suis choqué que ahalala le monde n'est pas en barbe à papa et que y'a des gens pas très gentils oulala. Et au final, une mort à la con en échange que sa famille reçoive de l'argent après un plan machiavélique incluant sa mort. Trop gentil trop con.
Analysez cette dernière phrase. Le mec a prévu sa mort pour que sa famille puisse avoir de l'argent. Merci beaucoup pour la morale hallucinante: mieux vaut que tes parents soit morts sans pouvoir t'éduquer mais avoir plein de thunes. Et pire que ça, la fin est foncièrement débile. Le héros est tiraillé par son instinct de tanche pucelle à ne rien voler rien faire de mal rien dire trop haut, et donc il refuse de voler et de participer un vol (jusqu'à c eque sa famille soit menacée certes) et après il utilise une boîte de thunes volée pour sauver sa famille. Deuxième morale: si c'est pas toi qui l'a volé, tu peux le récup c'est cadeau.
La gentillesse et la naïveté de cette famille débarquant à Manille sont essayé d'être expliquées par l'intermédiaire de la religion catholique, hyperprésente aux philippines. Mais incompréhensiblement, si le film décrit bien diaspora et ville, il est incapable de donner une part plus explicative à la religion, alors qu'elle aurait pu servir à expliquer ce comportement quasi gentil compulsif du héros et de sa famille.
Enfin, le déterminisme social est quand même bien bien présent ici. Les pauvres campagnards en sont réduit soit à la misère, soit au crime pour s'en sortir, sinon c'est la mort. Même si le déterminisme social possède une part de vrai dans sa théorie, en faire la pierre angulaire d'un film peut paraître un peu osé aux connaisseurs. Surtout lorsqu'on y ajoute la morale: "Les hommes désespérés font des choses désespérées". Ben, non. Les pauvres désespérés ils finissent comme dans les livres de Zola. A picoler du soir en matin pendant que leurs femmes se prostituent et qu'ils vendent leurs gosses.
Après, de mon point de vue ce film est plus porté par ses bons côtés que ses mauvais, c'est pourquoi il chope un 7. Mais si les clichés comportementaux et l'opposition 100% Gentil contre 100% Méchant vous énerve profondément, ne le regardez pas. Si au contraire vous aimez apprendre, visualiser des choses sous de bons angles, regarder un film bien filmé, bien montré, voir une aventure du bien contre le mal, de l'innocence contre le mal, allez-y, foncez.