Deux ans après l’ouverture de la chasse à l’ado dans les alentours de Crystal Lake par sa mère, Jason Voorhes revient dans les parages avec « Friday the 13th Part III ». Il est introduit par une récap’ du précédent film, qui dure pas moins de 7 minutes, et reprend la quasi-intégralité de sa séquence finale. Cette technique s’avère assez facile qui permet de rallonger la durée d’un métrage. L’exploitation c’est pas nécessairement le plus honnête des marchés cinématographiques.


Dans cette nouvelle aventure, Jason massacre de l’ado venu s’amuser, et il en profite également pour faire le ménage dans la communauté proche de Crystal Lake. Le camp de vacances et ses monos, c’est terminé. Le tueur entre dans le champ de tous les possibles, avec une innovation de taille, puisque le film a été pensé tourné, et diffusé en 3 D. Cette caractéristique est loin d’être anodine, car durant le métrage les personnages passent leur temps à pointer des trucs vers la caméra.


• Un type dresse un bâton pour redresser un fil à linge.

• Un gamin pointe une batte de base-ball, alors qu’il joue dans la rue avec ses copains.

• Un œil de mouton arraché est tendu vers les jeunes par un vieux marginal qui gueule des trucs sur une malédiction.

• Un portefeuille jeté d’un personnage à un autre

• Un yoyo…

• De la paille…

• Des pommes…

• Des balles ne jonglent…

• Les manches de fourche qu’utilise Jason pour buter ses victimes.

• Un harpon tiré par Jason, qui se plante dans l’œil d’une victime.

• Un œil qui jaillit de la tête d’une victime.

• Les mains de Jason qui essaye d’attraper une victime,

• Une hache plantée dans la tête de Jason.


Véritable démarche gadget, la 3D n’apporte absolument rien. En plus, comme il est difficile de revoir le film dans ces conditions, ça fait qu’il est pollué par de nombreux effets forcés, qui influencent la mise en scène. Des séquences ou des plans de caméra seraient différents, voire inexistants, si l’ensemble avait été pensé en 2 D. C’est là le souci principal de « Friday the 13th Part III ».


Avec son générique groovy qui sent bon la synthwave et les années « 80 à plein nez, ce troisième volet se révèle tout de même des plus plaisants à suivre. Bien troussé et plutôt fun, il se montre généreux en rebondissements, n’use pas de jump scare à outrance, et commence à comprendre tout le potentiel qui se trouve derrière le personnage de Jason. Ce dernier est même développé au-delà de la localité Crystal Lake, et s’affranchit ainsi d’une unité de lieu parfois rédhibitoire.


En allant frapper un peu partout dans les environs du camp où il est mort, cela permet au film de dresser le portrait, peu reluisant, d’une Amérique rurale en plein déclin. Elle se compose de la misère des white trash, qui regardent les jeunes venus s’amuser au lac avec une certaine condescendance. Ce genre de communauté ne supporte pas l’intrusion de l’étranger dans son quotidien, dévoilant ainsi le côté pile de l’American Dream, et ses laissés pour compte.


Pour les jeunes, ils correspondent à des conventions classiques, appelées à devenir des clichés. Pour regarder, et apprécier “Friday the 13th Part III” m aujourd’hui, il est nécessaire de faire abstraction de cela, puisqu’à sa sortie ce ne sont pas encore tout à fait des clichés, mais des codifications inhérentes au genre qui se construit. En 1982, le slasher demeure dans une phase de solidification, avec des œuvres qui viennent apporter leurs pierres à l’édifice. Ce n’est pas encore une débauche de clichés et de situations convenues.


Ainsi, parmi le groupe de jeunes, il y a Chili et Chuck, deux Cheech & Chong-like, des stoners avec des têtes de vieux hippies has been, qui se fument de grosses douilles. Dans le camtar qui les mène à destination, ils font tourner des joints. Sachant que tous ceux qui y touchent deviennent des victimes potentielles, puisque la règle est la règle, tout comme les deux qui font l’amour hors mariage, avant de se faire bien dézinguer leur race.


Les protagonistes sont pris à parti par un trio de loubards, où une certaine idée de ce que peut être une jeunesse punk stéréotypée, portant du cuir, des chaînes et des bandanas. Mal attentionnés, ils siphonnent le camion des jeunes, mais leur faute la plus grave reste sans doute de boire de l’alcool. Dans tous les cas, Jason ne fait pas de détail, et pratique un peu plus ses talents sur eux. “Friday the 13th Part III” suit scrupuleusement les codifications établies depuis 1978, ce qui en fait dans l’ensemble un slasher classique, mais néanmoins des plus fun à regarder.


_ » Viens, on va nager nu dans le noir, mais mes yeux véhiculent clairement un autre message. Vas-y toujours, je vais aller chercher des serviettes, seules dans le noir, et je te rejoins ».


Donc ça, il est important d’arrêter. Sortir seule dans le noir en disant « je reviens vite » c’est un coup sûr de ne pas revenir du tout. Il est possible de voir ici et là l’utilisation des différentes codifications, qui en 1982 s’avèrent présentes de manière innocente. Ce n’est que la répétition d’un modèle qui n’est pas encore trop dans la redite, avec un sens important de la générosité, véhiculé par la multiplication des morts, dans une recherche d’originalité. Ainsi, après une première victime à coup de hachoir, Jason prend un peu tout ce qui lui tombe sous la main afin d’accomplir son œuvre vangeresque.


• Tournevis dans la nuque

• Fourche dans la gorge.

• Fourche dans le bide.

• Coup de marteau dans la yeule.

• Harpon dans l’œil.

• Coup de couteau dans l’entrejambe d’un guignol faisant le pommier, avant de le plier en deux et le caler sur une poutre au plafond.

• Coup de couteau à travers le matelas, qui transperce le sternum (méthode héritée du premier film, devenant une marque de fabrique de la saga).

• Électrocute un ado en le jetant sur un tableau électrique.

• Transperce le ventre par un tisonnier chauffé à blanc.

• Écrase une boîte crânienne entre ses mains, faisant jaillir l’œil de la victime hors de son orbite.


Au-delà de la répétition presque idéale de la partition du slasher, ce troisième épisode apporte une évolution de taille, par l’apparition de ce qui rend cette saga absolument culte : le masque de hockey. C’est ici l’origin story du masque, par l’entremise de Shelly, un balourd qui passe son temps à élaborer des canulars macabres pour ses potes. Il se déguise en tueur, avec un faux couteux, ou fait semblant d’être mort dans un placard… Un gars fun.


Lors d’une de ses PRANK, il incarne un spoof killer orné d’un masque de hockey. D’une de ses vannes apparaît ainsi l’iconique masque porté par Jason jusqu’à aujourd’hui. Seul dans la grange, la mort de Shelley n’est pas montrée à l’écran et lorsqu’il est découvert, égorgé, personne ne prête vraiment attention à lui, persuadé d’avoir affaire à l’une de ses PRANK. En revanche, Jason ressort avec LE masque, et à ce moment précis il trouve une identité propre.


Se plaçant ainsi en égal des autres tueurs masqués, comme Leatherface, Freddy Krueger et Michael Myers, Jason possède désormais un visuel identifiable en une image iconique. Son omniprésence dans la pop culture témoigne de l’idée géniale derrière le port de ce masque, apparu suite à la blague d’un personnage qui voulait incarner la quintessence d’un tueur.


Lors de l’ultime séquence, qui empreinte au premier son aspect train fantôme, des cadavres jaillissent de partout sur l’héroïne, Chris, qui n’arrête pas de crier. Pas de doute, c’est bien la final girl. Maintenant, reste à savoir comment elle se débarrasse de Jason. Faible, elle appelle dans un premier temps son petit ami (mort) à la rescousse.


Une fois de plus revient cette idée de l’échec du mâle, qui possède tout pour être le héros, mais se fait tuer par Jason. La chasse finale confronte donc le boogey man à Chris, qui apparaît comme perdue, à la merci du tueur. Tout d’abord, elle hurle, fuit et se cache. Réalisant que ce n’est pas ça qui va la sauver, elle se transcende en faisant abstraction de sa nature, pour se mettre au niveau de Jason, c’est-à-dire une tueuse de sang-froid.


Elle arrache un couteau enfoncé dans le dos de sa copine, pendant que Jason JackTorrancise la porte à coup de hache. Mais elle ne reste pas inactive, et le plante plusieurs fois, avant de le pendre et de lui coller une hache en pleine face. Elle s’avère dès lors aussi violente que le monstre qu’elle vient de tuer. Il y a là-dedans une réflexion possible sur la difficulté des femmes à être reconnue comme égale de l’homme dans nos sociétés modernes.


Une problématique présente depuis le premier volet en 1980, qui trouve là encore plus de sens, du fait que Chris n’est pas juste une scream queen de base, comme Ginny dans le précédent opus. Ici, elle prend les choses en main, même si au départ elle se repose naturellement sur l’homme fort, tel que dicté par notre modèle sociétal. Cependant, face à la défaillance de ce dernier elle doit faire face elle-même à la brutalité de l’existence, personnifiée par Jason Voorhes.


Une fois mort, Chris prend un canoë pour s’échapper au milieu du lac, comme dans le premier film. « Friday the 13th Part III » répond ainsi à son aîné, en formant un arc créant une trilogie cohérente. Ce troisième opus se montre même supérieur à ses deux prédécesseurs, par son utilisation détaillée des codes et conventions. De plus, il développe davantage cette idée structuraliste qui émane de la création d’un genre, comme dans la conception de son killer star qui en rappelle à ses racines : « Halloween » et « Psycho » en tête.


Le songe final, devenu un gimmick de la saga, inverse cette fois les éléments du premier, avec la sortie spectaculaire du cadavre de Mrs Voorhes, qui attrape Chris pour l’entrainer avec elle dans les profondeurs de Crystal Lake. La boucle est bouclée.


« Friday the 13th Part III » constitue un excellent slasher, clairement au-dessus de ceux de la même époque, notamment par l’évolution de Jason qui devient complètement iconique. Steve Miner sait comment filmer sa créature. Même s’il est possible de reprocher certaines choses, comme la musique groovy hors ton, et une 3D gadget qui ne vaut que pour les mains de Jason cherchant à attraper le public à la fin. Cela confère à l’ensemble un côté schizophrène, tout de même assez marrant à regarder, tel un énorme plaisir coupable.


Body Count : 13 (incluant un fœtus) + Jason laissés pour morts (nuque brisée par pendaison, puis une hache plantée dans la tête) par Chris.

Record égalé à 1 h 2.


To be concluded...


-Stork._

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le 2 sept. 2023

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