Apportez-moi la tête de Buddy Israel.
Le problème de "Smockin' Aces" (titre original bien plus bandant que sa traduction moisie), c'est d'être complètement différent de "Narc", le précédent film de Joe Carnahan qui s'était fait remarquer à sa sortie en 2003. A l'approche brute de décoffrage du polar encensé par la critique, "Smockin' Aces" a répondu par un style au premier abord clinquant et déjanté, le public n'y voyant dès lors qu'un délire régressif à la Guy Ritchie, ce que le film de Carnahan n'est absolument pas.
Si l'on retrouve effectivement un univers bariolé et décalé directement hérité du cinéma de Quentin Tarantino, via une ambiance dans un premier temps décontractée et des personnages sérieusement fondus de la caboche (les frangins Tremors, consanguins néo-nazis adeptes du massacre de masse sur fond de death metal), "Smockin' Aces" est bien plus que ça, plus tortueux et plus malin, son intrigue volontairement basique cachant des ramifications bien plus complexes.
Mettant une bonne heure pour planter le décor et positionner ses nombreux protagonistes comme les pions d'une gigantesque fumisterie avant de tout faire péter, Joe Carnahan emballe son film avec une véritable efficacité, aidé par un montage d'une belle maîtrise, gérant parfaitement la multitude de caractères, ne laissant personne à la traîne, chacun ayant une importance cruciale dans le déroulement de l'action.
Qu'ils soient pourris, déglingués, du bon comme du mauvais côté de la loi, les anti-héros de "Smockin' Aces" constituent une belle brochette de francs-tireurs, incarnée par un casting incroyable. Si certains n'ont plus rien à prouver (Ray Liotta, Andy garcia, Jeremy Piven), d'autres font preuve d'une présence qu'on ne leur connaissait pas (Ryan Reynolds, Common, Alicia Keys) quand ils ne jouent pas carrément avec leur image (Chris Pine, Ben Affleck, Matthew Fox).
Bien plus profond qu'il n'en a l'air et ne méritant pas une seule seconde l'indifférence polie dans laquelle il est tombé, le petit frère de "Narc" est bien la preuve que Joe Carnahan est un metteur en scène passionnant (oui, même quand il fait "L'agence tous risques") et reste un bon polar violent et furieusement funky, s'autorisant même quelques envolées lyriques.