Mia Madre, c’est à la fois un portrait de femme, forte et plein de doutes, debout malgré le poids des responsabilités (gérer une équipe de tournage), assister sa mère dans ces derniers instants, être mère auprès de sa propre fille, tenter de ne pas être irritable, d’être quelqu’un qui résisterait malgré les épreuves difficiles de la vie. Les fêlures, les cassures de l’existence, elles sont bien présentes, pour cette personne incarnée par Margherita Buy. C’est à la fois bouleversant, parce que l’histoire l’est tout simplement et la grande force de Moretti c’est qu’il avance petit à petit dans l’intimité de ces êtres qui nous ressemblent tous. Pas de gros violon, non juste la vie qui va, qui vient, les gens qui résistent, qui tentent d’être fort. La grand force de Morreti c’est aussi assurément son humour et fort est de constaster qu’on rigole dans son film.
L’autre grand prouesse du film, c’est la mise en abime du tournage d’un film. C’est truffé de références au cinéma italien notamment celui des années 60-70. Cinéma engagé, engageant, éclatant de vitalité, enthousiaste. Oui on crie, on gueule chez Morreti, mais on se tait aussi dans les moments graves, dans les moments de doutes pour montrer que l’humain n’est pas ni tout blanc, ni tout noir, mais qu’il a ces failles.
Dans La Chambre du Fils, Morreti jouait le rôle d’un psychanalyste, là, il panse peut être ses plaies et les nôtres. Il écoute et entend les maux d’une réalisatrice, enfin plutôt ces maux à lui. Il filme des personnes qui ont dormi pendant quelques temps, à qui on n’a pas dit en temps en heure qu’ils étaient des gens extraordinaires. Cette mère, cette ancienne enseignante, elle est aux yeux de tous, la mama, celle qui réconforte, qui apprend, qui sait, qui sent les choses.
Le film mêle temps présent, temps passé, on navigue entre différents moments rêvés, fictifs. Nanni Morreti explique que la plupart des choses se joue dès l’écriture, mais le montage joue le reste. Pas d’effet pour passer d’un état à un autre, non et pourtant nous ne sommes pas déconcertés une seconde par des séquences qui n’ont pas de continuité temporelle.
Cinéma à la première personne, ne veut pas dire, cinéma nombrilisme ou autocentré, non bien au contraire, c’est un cinéma populaire et d’auteur le cinéma de Moretti comme pouvaient le faire en leur temps les Ettore Scola, Rissi, Pietri, ou Fellini, cinéastes que cite explicitement Morreti dans son film.
Aucun fausse note dans ce film tout en pudeur. Si nous ne voyons pas l’intimité proche de ces personnages, la distanciation qu’opère Moretti fait que nous ne sommes pas éloignés pour autant de leur vécu.
De la pop au classique, la musique entend apaiser les blessures et accompagner autant les vivants et les morts ou les morts vivants dans leur lutte perpétuelle pour avancer coûte que coûte. Rester debout, croire en la force du cinéma pour relever la tête et recoudre les plaies ouvertes, Morreti signe une grande oeuvre autant sur le cinéma que sur le deuil, autant sur la société italienne que sur la cellule familiale.