Encore une fois, il va falloir m’expliquer cet étrange phénomène qu’est l’emballement critique, quasi unanime, autour d’un film médiocre et qui revient au moins une fois par an comme une vilaine gastro ou cette putain de dinde de Noël. Englouti de dithyrambes jusqu’à la lie de la lie, Mia madre s’affirme néanmoins comme le triste constat d’un cinéma débarrassé d’affect, de ferveur et de toutes perspectives cinématographiques. Il n’y a qu’à voir ne serait-ce que la caractérisation des personnages, d’une inconsistance et/ou d’une banalisation marquée : comédien forcément insupportable, frère irréprochable jusqu’à la transparence, ado gentillette, héroïne agaçante, sévère mais fragile…


Cela se ressent d’ailleurs jusque dans le jeu des acteurs : John Turturro grimace et cabotine, Margherita Buy peine à bouleverser malgré son air de pénitente dépressive avec ses yeux toujours embués, et même Nanni Moretti indiffère quand soudain on vient à le remarquer. Son laïus social n’est pas mieux loti, contrit d’un militantisme conformiste et petit bourgeois que l’on saisit à travers quelques bribes de dialogues et de situations simplistes sur le tournage du film de Margherita (rappelant ce discours bébête du patron de Sandra entendu dans Deux jours, une nuit des frères Dardenne et cette soupe tiédasse qu’on nous a servi dans La loi du marché).


Cette histoire d’une cinéaste débordée (dont l’appartement sera forcément inondé, ah ! la symbolique…) devant faire face à un tournage difficile et à la maladie de sa mère, s’étouffe dans sa propre insignifiance, vidée de substance, d’émotion, de caractère, de presque tout. Alternant machinalement les scènes entre plateau de cinéma, hôpital et appartement, la réalité aux rêves et aux flashbacks, Moretti cherche à dire aussi la part d’héritage qu’on laisse aux autres, ici sur trois générations, quand cette idée de transmission se résume pourtant à un cours de latin sur un coin de canapé ou un essai de scooter dont la trajectoire évoque la figure de l’infini (ah ! la re-symbolique…), sinon l’art de tourner en rond (parfaite ironie).


Certes, le film refuse impudeur et voyeurisme dès qu’il s’agit de montrer le dénuement de la maladie et la douleur des proches, mais ce refus s’accompagne d’une vision vieux jeu de la thématique du deuil, archi balisée dans son évolution qu’on anticipe sans efforts (visites à l’hôpital, changement d’unité de soins, oublis et troubles de mémoire, retour à la maison…). Pas émouvant ni vraiment drôle, Mia madre ne parvient jamais à s’extraire d’une sorte de naturalisme frustrant ne proposant qu’un morne état des choses, qu’un stricto sensu convenu, même dans ses rares embardées. Un film pour illico sensibles sachant, grâce à leur cœur gros comme ça, s’émouvoir d’un Moretti tourneboulé devant des renforts de coude ou d’une Buy écopant un couloir plein d’eau. Pour les autres en revanche, pour les sans cœur inaptes à ressentir quoi que ce soit, vous n’êtes vraiment que des… je cherche le mot… connards ? Abrutis ? Pisse-froids ?


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Flop 2015

Créée

le 11 déc. 2015

Critique lue 590 fois

15 j'aime

1 commentaire

mymp

Écrit par

Critique lue 590 fois

15
1

D'autres avis sur Mia Madre

Mia Madre
Rawi
8

Comment te dire adieu ?

Bon ! Commençons par le début : ma ville question ciné c'est de la grosse daube et mes concitoyens sont en majorité des cons. La preuve en est que pas grand monde dans la salle pour voir ce film lors...

Par

le 14 juin 2015

44 j'aime

14

Mia Madre
takeshi29
9

Maman, à quoi tu penses ? A demain

Étant une grosse feignasse, je ne ponds plus beaucoup de critiques mais arrivé au terme de ces 107 minutes, je ne pouvais faire autrement que de vous dire pourquoi il est OBLIGATOIRE de voir ce "Mia...

le 20 déc. 2016

28 j'aime

4

Mia Madre
Eggdoll
4

Un film aussi nombriliste que son héroïne ?

Puisque personne ne l'a fait avant moi, il va me falloir endosser le rôle de la méchante rabat-joie qui, ayant vu le film au Cinexpérience huitième du nom, ne l'a pas aimé. J'en ai discuté avec mes...

le 24 nov. 2015

27 j'aime

21

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

179 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25