Ô temps, suspends ton vol !
C'est par cette invite que le réalisateur pourrait convier le spectateur à entrer dans son film.
Si j'étais entré par mégarde dans cette oeuvre brute, peut-être aurais-je pu m'abandonner à l'ennui. Peut-être. Ou peut-être pas. Heureusement, la lecture des critiques ici-bas m'a amené à la circonspection. J'ai donc pu sans crainte entamer la séance de ce film dans une salle où j'étais le seul spectateur.
Le paysage est rude, caillouteux, fauché par un vent horizontal. Les hommes de ce temps le sont tout aussi. Sauf qu'ils sont, contrairement au paysage, laids dans leurs corps et dans leurs âmes.
Meurtri dans son cœur par une décision biaisée, le héros, paisible éleveur de chevaux, va se lancer dans un conflit qui doit selon lui restaurer la justice bafouée par les hommes.
Après bien des détours, la justice sera rendue. Mais elle est impitoyable et sans retour.
Les images de ce film sont belles.
Celles de ces paysages âpres, de ces forêts humides, de cette brume sourde, de ces murs austères.
Celles de ces cheveux puissants, forts et ombrageux.
Celles de cet homme hiératique au regard d'acier et au port de roi. Il demeure un homme et son regard se trouve quelquefois voilé de doute ou de tristesse. De brève détresse parfois. L'acteur principal est criant de justesse et dégage un magnétisme fascinant.
Celles de ces étreintes, d'amour d'amant, d'amour filial, d'amour pour ses bêtes fougueuses et pourtant paisibles.
Celles de cette justice, tragique, brutale et quelquefois inique.
L'auteur prend tout son temps pour illustrer les déplacements, les gestes simples, les dialogues, les regards. Cette forme de lenteur ne rend pas le film pesant. Au contraire, elle le densifie. C'est ainsi que l'amour transparaît parfois, la mort apparaît aussi, brutale et définitive. Sans fard.
L'ultime moment n'est pas montré, il est suggéré. Il en est d'autant plus puissant.