Comme beaucoup, j'ai été interpellé par 'Roger & me', puis vraiment troublé par 'Bowling for Columbine', c'est vrai que j'avais vingt ans de moins et je n'avais pas encore investi beaucoup de temps dans la sémantique visuelle, tant pour les films que pour les 'documentaires'....
Et puis, petit à petit, des petits voyants jaunes, puis rouges se sont mis à clignoter. Je commençais à disséquer la construction narrative de certains documentaires, et je trouvais les films de Moore, drôle, mais diablement écrits.
J'ai vu les suivants, mais avec un œil de plus en plus sceptique sur les affirmations proférées.
Et puis 'Merci Patron'. Je sais 'Merci Patron' n'est pas de Michael Moore, mais de François Ruffin, mais je trouvais beaucoup de similitudes dans l'écriture, et dans le ton. Moore voulait rencontrer Roger Smith, Ruffin, Bernard Arnaud...
Seulement voilà, j'ai appris à lire, à lire les techniques biaisées de mille feuille argumentatif, l'usage des biais cognitifs. Les montages hystériques de dizaines de séquence très courtes sont en général un signal rouge clignotant.
Et quand la vérité, même choisie, ne suffit plus, il suffit d'inventer ou de déformer. Que l'on m'explique le champ contre champ lors du départ de Charlton Heston dans "Bowling for Columbine" dans le cadre d'un docu terrain hyper light.... Faussement simple et naïf, juste écrit, travaillé et scénarisé.
Le monde va vite, très vite et il faut un minimum de culture et de temps pour s'attaquer aux aberrations véhiculées par les media modernes.
D'ailleurs, une technique bien connue des producteurs de ces faux documentaires est l'inversion de la preuve. En temps normaux, si on affirme quelque chose, il est normal de devoir démontrer la véracité de son propos. Pour les autres, la technique est la suivante:
" - La mer est violette.
- Euh non, je crois pas, non.
- Démontres moi que j'ai tord..."
Je trouve beaucoup de similitudes entre Moore et Ruffin. Des sujets sociaux, une dégaine prolo soigneusement travaillée, des faits biaisés, une chronologie trafiquée, finalement une fortune... non partagée, malgré les cris d’orfraies !
Alors, me direz vous (peut-être), mais qu'est ce qui dit que ce documentaire serait plus crédible que ceux de Moore ? En fait rien. Pourtant, à chaque fois que Debbie Melnyk peut enfin être face à Michael Moore et lui demande une date pour une entrevue, vous noterez l'embarras sympathique formé à base de "Ouais, bien sûr, pas de soucis, mais là je suis occupé, dans un an, peut être..."
Lorsque Debbie lui demande si c'est une promesse, Moore lui répond que non.... La liberté d'expression, oui, mais sous son contrôle !
Je ne remets pas en question les sujets qu'il aborde, loin de là. Mon intérêt premier pour Moore vient en partie du fait que je partage certains de ses points de vue. Mais finalement, c'est propagande contre propagande, et, à mes yeux, utiliser les mêmes armes que ses ennemis ne grandit pas le narrateur et heurte mon intelligence.
J'ai adoré ce documentaire. Et j'ai mal à Cannes et aux Oscars quand je vois que ce clown égocentrique et paranoïaque a pu se faire passer pour un cinéaste de talent.